Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie ! De Big Love au Made Festival, les déclarations d’amour électro pleuvent chaque année sur le printemps rennais. Des affinités musicales largement partagées, comme nous le confirment Luc Donnard et Rémi Gourlaouen, aux commandes des deux rendez-vous.

Le premier descend de l’Escalier, célèbre club et pub malouin où il s’est senti comme un poisson dans l’électro en tant que DJ. Également pilote de platines, le second n’est pas encore revenu de Berlin et du « second summer of love » techno, qui secoua l’Europe à la fin des années 1980. Luc Donnard et Rémi Gourlaouen… Tous deux ont en commun d’avoir créé un festival à Rennes,dans les années 2010 : Big Love (en 2011) et le Made festival (en 2016), pour vous servir le meilleur des musiques électroniques, sur un plateau (concert) ou une platine (de DJ).

Deux événements rennais dédiés à la musique électro, à un mois d’intervalle… Y en a-t-il un de trop ? Rémi Gourlaouen, le créateur du Made Festival, et Luc Donnard, le cœur battant de Big Love, ne semblent pas près de se faire de l’ombre, chaque événement creusant un sillon suffisamment singulier pour briller sous des projecteurs différents.

Made… love, l’amour fou ?

Rémi Gourlaouen, le créateur du Made, est de cet avis : « le format et les principes des deux événements sont assez différents. La programmation de Big Love est très pointue, et les lieux du festival sont plus petits, proches de l’esprit « clubbing ». Le Made s’organise quant à lui autour du parc des expositions. » Son alter ego confirme : « le propos de Big Love est de jouer avec le territoire et les espaces publics. Cet événement est une invitation à redécouvrir Rennes, au gré de propositions musicales composant la B.O idéale de la ville. Nous sommes donc loin d’une fête techno dans un hangar. »

Et Luc Donnard d’ajouter : « notre public est plus âgé et sans doute plus Rennais que celui du Made, aussi. Nous cherchons à être en décalage, en adaptant notamment la programmation aux lieux de concerts, souvent inattendus eux aussi. » Big Love joue donc sur l’effet de surprise, en allant par exemple à la rencontre des mélomanes en herbe, au milieu de l’après-midi, dans les parcs et sur les places de Rennes. Et n’hésite pas à jouer la carte « fooding », en travaillant avec les maîtres queux locaux (voir ci-dessous).

« Big Love cherche à reconquérir un autre public, fan d’electro mais n’ayant plus forcément le temps de sortir. » Ambiant et cool l’après-midi, pour les concerts les pieds dans l’herbe et la tête dans les nuages, le rythme de Big Love s’accélère progressivement pour accompagner le public dans la chaleur des nuits disco. À l’affiche cette année, une quinzaine d’artistes : le fidèle Job Jobse, qui fera forcément le job. L’habituée Jennifer Cardini. Les trop rares Scratch Massive, et la star planétaire DJ Tennis.

Quand Big Love cherche un peu d’ombre pour laisser libre cours à ses propositions intimistes et cool, le Made reste scotché à la lumière jaune fluo des smileys et avide des grands espaces où se laisser aller, par exemple sur les beats endiablés de Manu le Malin, programmé cette année.

Jeff Mills et Derrick May : jamais deux sans… Detroit

Pour sa 3e édition, le Made Festival voit énorme et fait la part belle aux légendes, « même si attirer les têtes d’affiche n’est pas un but en soi. Le propos du Made reste la découverte, et je dirais que sur les 80 noms à l’affiche cette année, la balance penche largement en faveur des artistes rennais en émergence. »

Il n’empêche, avec Jeff Mills et Derrick May à l’affiche, le Made part à la conquête du monde : « Ils font partie ni plus ni moins des fondateurs. Ils sont à la techno ce que les Rolling Stones et les Beatles sont à la pop musique, ils faut les voir avant qu’il ne soit trop tard. » Comment définir le son de Detroit ? « C’est à la fois une techno industrielle, répétitive, mais aussi l’héritage soul et funky de la Motown. »

À la rubrique « dinosaures en or », le nom de Manu le Malin a également fière allure. « Lui aussi est un pionnier, de la scène française cette fois. J’ajouterai un artiste intègre et toujours sans concession. » Beats martiaux en perspective ! Fréquenté par 15 000 personnes l’an dernier, le Made ne change pas de mode d’emploi, même si le Disco Bowl, un chapiteau dédié à la disco et à la house music, fait son apparition au parc expo : « en gros, on y écoutera tout ce qu’il n’y a pas sur la grosse scène. À 3 heures du matin, tout le monde n’a plus forcément les oreilles et les jambes pour la musique qui tabasse. »

Pour revenir dans le centre ville et rappeler que le Made sait également cultiver l’électro à la mode de chez nous, les deux après-midi open air organisées au parc des Tanneurs et du Thabor devraient enfin permettre au public de faire le plein de découvertes, puisées notamment dans l’inépuisable vivier local.

L’électro rennaise a le vent en pop

Des artistes aux collectifs via les associations à l’origine de rendez-vous devenus incontournables, les musiques électroniques semblent enfin avoir le vent en pop à Rennes.  « L’electro, c’est le nouveau rock », pose Luc Donnard. « Même si je pense que le phénomène n’est pas propre à Rennes, c’est juste impressionnant, continue Rémi Gourlaouen. Les collectifs et les artistes poussent comme des champignons, il n’y pas une semaine où il ne se passe pas quelque chose ! Par contre, au niveau des lieux, ce n’est toujours pas ça, même si on peut attendre beaucoup du nouvel Antipode avec sa salle modulable. » Et le co-pilote du Made festival de continuer : « si vous placez le curseur sur une échelle régionale, les festivals de musique électronique vont s’enchaîner en Bretagne jusqu’à Astropolis, début juillet (Paco Tyson à Nantes, Spring à Concarneau, Made Festival et Big Love à Rennes). Après la French touch, la Breizh touch ?

LE PETIT DJEUNER EST SERVI !

« La dimension gastronomique est présente dans Big Love depuis le début, et je dois avouer que nous nous sommes vite retrouvés sur un état d’esprit commun avec les organisateurs du Marché à manger », se réjouit Luc Donnard. Une première mise en bouche a été tentée en 2017, et le public en redemande : « des gens ont été alléchés par le menu, et sont repartis avec de la musique plein les oreilles ; d’autres sont venus pour la musique, et ont fini avec l’estomac bien plein. »

Une fois n’est pas coutume et l’édition 2018 dépliera une nouvelle fois la nappe à carreaux : « Romain Joly,  le chef cuistot de la cantine des Ateliers du vent nous donnera un coup de main, et différentes toques seront présentes le dimanche après-midi. » Cerise sur le gâteau : le Love boat qui embarquera les spectateurs pour une croisière food et musique.

« Big Love devient un festival hédoniste, épicurien… » Une manière de dire que le festival n’a jamais aussi bien porté son nom. Et un mot de la faim tout trouvé, pour Luc Donnard.

 

PRATIQUE

Made Festival : 17, 18, 19, 20 mai, parc des expositions et autres lieux, Rennes. https://made-festival.fr