musique-rock-5Ancien Marquis (de Sade) converti à Republik, Frank Darcel a également fait la révolution d’Octobre, et a toujours eu le rock comme fil rouge. Guitariste et chanteur, compositeur et producteur, le Rennais a également propulsé Daho au sommet et poussé Obispo à chanter. 1976-2016 : Morceaux choisis.

London calling

Rennes, été 1977. L’appel de Londres, l’appeau punk, la France léthargique… « Rennes ville rock » est encore un label au bois dormant.

« Je suis encore étudiant en médecine. Je tombe sur l’annonce d’un mec, disant qu’il dispose d’un local rue de Vern et qu’il cherche à monter un groupe pour reprendre le Velvet (Underground, ndlr) et les (Rolling, ndlr) Stones. À l’époque, la ville n’est pas folichonne, les étudiants restent majoritairement sur les campus, le centre ville et la rue de la Soif ne sont pas encore ce qu’ils sont. Le réseau des MJC est alors très important pour les musiciens, et aussi, fait plus étrange, le rôle des cinémas de patronage : les curés sont peut-être alors plus rock’n’roll que nos élus.

Le déclic, c’est bien sûr le mouvement punk, un feu de paille de deux ans (1976-1977) qui a révolutionné la façon de faire de la musique. Il était facile pour nous de prendre le ferry à Saint-Malo pour aller voir des concerts à Londres, sur King’s road, ou piller la boutique de disques de Malcom Mac Laren, par ailleurs manager des Sex Pistols. En 1976, Christian (Dargelos) est dans la capitale anglaise, où il assiste à un concert du premier groupe de Joe Strummer, les Wana Warners. Quant à moi, j’achète ma première guitare, une Les Paul.

Historiquement, les Marquis de Sade sont nés en 1977, après que nous ayons assuré la 1ère partie des Damned, un concert mémorable programmé Halle Martenot. Le chanteur Philippe Pascal était dans la salle, il nous a rejoint par la suite. Marquis de Sade canal historique était né. »

 

« Historiquement, les Marquis de Sade sont nés en 1977, après que nous ayons assuré la 1ère partie des Damned, un concert mémorable programmé Halle Martenot. »

 

Première galette.

Entre bâbord et tribord, Marquis de Sade tient le cap. Rennes dansera bientôt le twist à Dantzig.  

« Le premier 45 T des Marquis de Sade s’intitule Air Tight Cell. Hervé Bordier et Jean-Louis Brossard, les programmateurs des TransMusicales faisaient une revue d’effectifs des groupes locaux. Avec leur association Terrapin, ils ont décidé de produire notre disque. Pressé à 1200 exemplaires, celui-ci sort effectivement en avril 1978, et bénéficie de bonnes critiques. La suite est plus connue : notre 1er album, « Dantzig Twist », est enregistré à Rennes et sort en 1979. Rennes commence alors à bouger, cette époque est celle où la jeunesse rennaise transforme la ville, un souffle que l’on sentira jusqu’à l’arrivée du Sida, en 1983. »

 

Tonnerre de Brest… à Rennes

Putain, putain, c’était vachement bien, ils étaient tous des européens.

« Marquis de Sade est né de l’urgence punk, et porte l’empreinte de la musique new-wave. Marqué par les courants expressionnistes et le Bauhaus, le groupe oscille entre Londres et Berlin, l’Angleterre et l’Allemagne… Au final, notre vision était alors très européenne, et nous ne cessions d’ailleurs d’être fascinés par ce mur qui séparait notre vieux continent en deux. Enfin, nous étions prêts à accepter beaucoup de choses, mais surtout pas d’être qualifié de ‘groupe de rock français’. Notre deuxième et dernier album, Rue de Siam, est sorti en 1980. Nous savions déjà que ça ne durerait pas. Je crois que notre groupe a marqué les esprits en raison de cette vie éphémère : nous n’avons pas eu le temps de décevoir. »

« Pour l’anecdote, Pascal Obispo m’a un jour confié s’être mis à la musique après avoir écouté Acteurs du monde, le « tube » d’Octobre. »

« Mon beau-frère a joué dedans »

Les vraies têtes de Marquis de Sade, pour arrêter de couper les cheveux en quatre.

« J’entends encore cette coiffeuse a qui j’avais confié ma tête, et me soutenant mordicus : ‘mon frère a joué dans Marquis de Sade’. Pour être le seul à avoir ouvert et fermé la porte, je sais exactement qui a fait partie du groupe. Si nous n’avons existé que le temps de deux albums, cela n’a pas empêché quinze musiciens de jouer dans le groupe : les batteurs Pierre Thomas (futur Marc Séberg) et Éric Morinière, les bassistes Christian Dargelos, Sergeï Papaïl, Henri Abega et Thierry Alexandre, les guitaristes Frank Darcel, Michel Rouille et Anzia (futur Marc Séberg), le clavier Alain Pottier, les saxophonistes Daniel Pabœuf et Philippe Herpin, le chanteur Philippe Pascal (futur Marc Seberg). » La mèche est dite, et la coupe (de cheveux) est pleine.

 

Octobre, Senso, Daho, Obispo… Le point sur les O

D’Étienne Daho à Pascal Obispo, Frank Darcel a œuvré dans l’ombre à mettre des stars de la chanson française en lumière.

« Après Marquis de Sade, j’ai créé Octobre. Parmi nos faits de gloire, un 2e album qui nous vaudra d’assurer la 1ère partie de David Bowie, à l’hippodrome d’Auteuil. Ça fait drôle de jouer devant 50 000 personnes. Je collaborais déjà en parallèle avec Étienne Daho : j’assurais la guitare sur son premier album (Mythomane), et j’ai réalisé le second (La Notte La Notte). C’est le début de la Dahomania.

Après Octobre, il y a eu Senso. Pascal Obispo y jouait de la basse. Comme notre chanteur brestois ne venait plus aux répétitions, je l’ai poussé à chanter. Pour l’anecdote, ce dernier m’a un jour confié s’être mis à la musique après avoir écouté Acteurs du monde, le « tube » d’Octobre. »

 

L’An I de Republik

Un acouphène, une longue parenthèse lisboète, et un coup fin : la création de Republik, en 2008.

« Un acouphène provoqué par le déclenchement imprévu d’une alarme m’a conduit à poser ma guitare électrique et à prendre la plume. Je suis parti au Portugal, à Lisbonne, où j’ai également été producteur. Je n’ai entamé ma 2e vie de musicien en 2008. Après un 6 titres peu satisfaisant, je pense avoir enfin trouvé la bonne formule de Republik. Éléments, le premier album, est sorti en novembre 2015. Je ne peux qu’être satisfait par la liste d’invités prestigieux réunis sur l’album : Yann Tiersen, la rythmique légendaire des Talking Heads (Tina Weymouth et Chris Franz), le New-Yorkais James Chance… Le disque a été bien reçu, et il marche toujours bien, ce qui nous a donné envie de battre le fer pendant qu’il est chaud. Notre second album est donc sorti cet été. Je qualifierais le style de Republik de rock à guitares pas nostalgiques, avec des clins d’œil aux New-York et Rennes des années 1980. »

 

L’industrie du disque est rayée ?

« J’écoute bien sûr avec intérêt tout ce qui se fait à Rennes, et je dois dire qu’il y a beaucoup de choses bien. Mon groupe préféré est Montgomery, notamment parce qu’ils chantent (très bien) en français, ce qui est rare, et parce que c’est très bon tout court. Je regrette qu’ils soient en stand by. Sinon, j’apprécie aussi Laetitia Sheriff, Her ou Bumkin Island, dont le batteur collabore à Republik…

Il y a plein de groupes de qualité, c’est le marché du disque qui est aujourd’hui en panne. Certes, l’industrie musicale a continué à profiter des publicités et des musiques de film, mais ce n’est pas le cas pour les supports matériels. Je dirais que créer son propre label ou sa maison d’édition est presque devenu une obligation. C’est ce que j’ai fait avec LADTK. »

www.republik.bzh / www.latdk.com

 

Propos recueillis par Jean-Baptiste GANDON

 

Sa playlist : Montgomery, Laetitia Sheriff, Bumpkin Island, Her