Je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie ! De Big Love au Made Festival, les déclarations d’amour électro pleuvent chaque année sur le printemps rennais. Des affinités musicales largement partagées, comme nous le confirment Luc Donnard et Rémi Gourlaouen, aux commandes des deux rendez-vous.

Le premier descend de l’Escalier, célèbre club et pub malouin où il s’est senti comme un poisson dans l’électro en tant que DJ. Également pilote de platines, le second n’est pas encore revenu de Berlin et du « second summer of love » techno, qui secoua l’Europe à la fin des années 1980. Luc Donnard et Rémi Gourlaouen… Tous deux ont en commun d’avoir créé un festival à Rennes,dans les années 2010 : Big Love (en 2011) et le Made festival (en 2016), pour vous servir le meilleur des musiques électroniques, sur un plateau (concert) ou une platine (de DJ).

Deux événements rennais dédiés à la musique électro, à un mois d’intervalle… Y en a-t-il un de trop ? Rémi Gourlaouen, le créateur du Made Festival, et Luc Donnard, le cœur battant de Big Love, ne semblent pas près de se faire de l’ombre, chaque événement creusant un sillon suffisamment singulier pour briller sous des projecteurs différents.

Made… love, l’amour fou ?

Rémi Gourlaouen, le créateur du Made, est de cet avis : « le format et les principes des deux événements sont assez différents. La programmation de Big Love est très pointue, et les lieux du festival sont plus petits, proches de l’esprit « clubbing ». Le Made s’organise quant à lui autour du parc des expositions. » Son alter ego confirme : « le propos de Big Love est de jouer avec le territoire et les espaces publics. Cet événement est une invitation à redécouvrir Rennes, au gré de propositions musicales composant la B.O idéale de la ville. Nous sommes donc loin d’une fête techno dans un hangar. »

Et Luc Donnard d’ajouter : « notre public est plus âgé et sans doute plus Rennais que celui du Made, aussi. Nous cherchons à être en décalage, en adaptant notamment la programmation aux lieux de concerts, souvent inattendus eux aussi. » Big Love joue donc sur l’effet de surprise, en allant par exemple à la rencontre des mélomanes en herbe, au milieu de l’après-midi, dans les parcs et sur les places de Rennes. Et n’hésite pas à jouer la carte « fooding », en travaillant avec les maîtres queux locaux (voir ci-dessous).

« Big Love cherche à reconquérir un autre public, fan d’electro mais n’ayant plus forcément le temps de sortir. » Ambiant et cool l’après-midi, pour les concerts les pieds dans l’herbe et la tête dans les nuages, le rythme de Big Love s’accélère progressivement pour accompagner le public dans la chaleur des nuits disco. À l’affiche cette année, une quinzaine d’artistes : le fidèle Job Jobse, qui fera forcément le job. L’habituée Jennifer Cardini. Les trop rares Scratch Massive, et la star planétaire DJ Tennis.

Quand Big Love cherche un peu d’ombre pour laisser libre cours à ses propositions intimistes et cool, le Made reste scotché à la lumière jaune fluo des smileys et avide des grands espaces où se laisser aller, par exemple sur les beats endiablés de Manu le Malin, programmé cette année.

Jeff Mills et Derrick May : jamais deux sans… Detroit

Pour sa 3e édition, le Made Festival voit énorme et fait la part belle aux légendes, « même si attirer les têtes d’affiche n’est pas un but en soi. Le propos du Made reste la découverte, et je dirais que sur les 80 noms à l’affiche cette année, la balance penche largement en faveur des artistes rennais en émergence. »

Il n’empêche, avec Jeff Mills et Derrick May à l’affiche, le Made part à la conquête du monde : « Ils font partie ni plus ni moins des fondateurs. Ils sont à la techno ce que les Rolling Stones et les Beatles sont à la pop musique, ils faut les voir avant qu’il ne soit trop tard. » Comment définir le son de Detroit ? « C’est à la fois une techno industrielle, répétitive, mais aussi l’héritage soul et funky de la Motown. »

À la rubrique « dinosaures en or », le nom de Manu le Malin a également fière allure. « Lui aussi est un pionnier, de la scène française cette fois. J’ajouterai un artiste intègre et toujours sans concession. » Beats martiaux en perspective ! Fréquenté par 15 000 personnes l’an dernier, le Made ne change pas de mode d’emploi, même si le Disco Bowl, un chapiteau dédié à la disco et à la house music, fait son apparition au parc expo : « en gros, on y écoutera tout ce qu’il n’y a pas sur la grosse scène. À 3 heures du matin, tout le monde n’a plus forcément les oreilles et les jambes pour la musique qui tabasse. »

Pour revenir dans le centre ville et rappeler que le Made sait également cultiver l’électro à la mode de chez nous, les deux après-midi open air organisées au parc des Tanneurs et du Thabor devraient enfin permettre au public de faire le plein de découvertes, puisées notamment dans l’inépuisable vivier local.

L’électro rennaise a le vent en pop

Des artistes aux collectifs via les associations à l’origine de rendez-vous devenus incontournables, les musiques électroniques semblent enfin avoir le vent en pop à Rennes.  « L’electro, c’est le nouveau rock », pose Luc Donnard. « Même si je pense que le phénomène n’est pas propre à Rennes, c’est juste impressionnant, continue Rémi Gourlaouen. Les collectifs et les artistes poussent comme des champignons, il n’y pas une semaine où il ne se passe pas quelque chose ! Par contre, au niveau des lieux, ce n’est toujours pas ça, même si on peut attendre beaucoup du nouvel Antipode avec sa salle modulable. » Et le co-pilote du Made festival de continuer : « si vous placez le curseur sur une échelle régionale, les festivals de musique électronique vont s’enchaîner en Bretagne jusqu’à Astropolis, début juillet (Paco Tyson à Nantes, Spring à Concarneau, Made Festival et Big Love à Rennes). Après la French touch, la Breizh touch ?

LE PETIT DJEUNER EST SERVI !

« La dimension gastronomique est présente dans Big Love depuis le début, et je dois avouer que nous nous sommes vite retrouvés sur un état d’esprit commun avec les organisateurs du Marché à manger », se réjouit Luc Donnard. Une première mise en bouche a été tentée en 2017, et le public en redemande : « des gens ont été alléchés par le menu, et sont repartis avec de la musique plein les oreilles ; d’autres sont venus pour la musique, et ont fini avec l’estomac bien plein. »

Une fois n’est pas coutume et l’édition 2018 dépliera une nouvelle fois la nappe à carreaux : « Romain Joly,  le chef cuistot de la cantine des Ateliers du vent nous donnera un coup de main, et différentes toques seront présentes le dimanche après-midi. » Cerise sur le gâteau : le Love boat qui embarquera les spectateurs pour une croisière food et musique.

« Big Love devient un festival hédoniste, épicurien… » Une manière de dire que le festival n’a jamais aussi bien porté son nom. Et un mot de la faim tout trouvé, pour Luc Donnard.

 

PRATIQUE

Made Festival : 17, 18, 19, 20 mai, parc des expositions et autres lieux, Rennes. https://made-festival.fr

Cinq années les séparent, pourtant Léa et Alexis ont bien des points communs : leur origine – Servon-sur-Vilaine – et une passion, la musique, qui transpire de L’Ekcorché et de Flou, leurs associations respectives.

À peine vieille d’un an, l’association L’Ekcorché s’est lancée comme défi de « promouvoir la culture », et en toile de fond, le rock sous toutes ses coutures. Portés par la maison des jeunes de Cesson-Sévigné et de Servon-sur-Vilaine, ce groupe de passionnés a pu organiser évènements et concerts dans, et autour, de l’agglomération Rennaise.

Les assos sortent la boîte à paf

Pour trouver les groupes, rien de plus simple. Des amis musiciens se laissent prendre au jeu et, pierre qui roule amassant la mousse, de nouvelles formations sollicitent l’association pour être programmés. « On met un point d’honneur à ce que les groupes soient payés, et ce malgré nos faibles revenus », pose Léa, vice-présidente de l’Ekcorché. « On fait tourner la boîte à paf (ndlr : cagnotte où les gens peuvent donner pour le groupe), et ça marche pas mal ! »
Les concerts ont souvent lieu dans des bars et le public touché est très divers : « On essaye de viser les plus jeunes, pour leur faire redécouvrir le rock ».

Les Patates Carnivores, concert au bar Le Comptoir à Châteaubourg

La vie associative a fait changer ses plans à Léa, qui pense désormais orienter ses études vers ce nouvel univers, découvert au détour d’une passion très formatrice.

Flou, la tempête électro

La vision d’Alexis, président de Flou, est tout aussi nette : l’univers associatif fait partie intégrante de sa vie. Issus d’horizons universitaires complémentaires (communication, comptabilité, évènementiel, etc), les membres de l’association ont tous un rôle à jouer : « Flou, c’est une complémentarité ». Dans l’association, un mot d’ordre: la franchise. Les membres se disent tout, pour éviter les mauvaises surprises, si bien qu’ils s’en sont fait un surnom : la « Flou Family ».
Au départ c’était juste l’histoire d’amis d’enfance. L’idée leur est venue en trainant à la MJC de Servon-sur-Vilaine : « pourquoi ne pas ramener chez nous les soirées que l’on trouve à Rennes ? » De fil en aiguille, Flou s’est fait un nom chez les programmateurs d’électro rennaise et leurs soirées « Storm » attirent toujours plus de monde.

L’association est là pour promouvoir la « culture musicale électronique », par des prestations auditives, mais aussi visuelles (création de décors, prestation scénique). Enfin, les membres de Flou sont aussi des artistes, à l’image d’Alexis aka Brender, qui mixe de la house et du funk. Mais si elle se produit elle-même, l’association n’oublie pas de mélanger la scène locale avec des artistes renommés, comme par exemple Yan Cook.

Amentia, Storm N°2

« Ce qu’il y a de bien avec Rennes, c’est que les gens sont curieux »

L’Ekcorché et Flou l’affirment à l’unisson : peu importe l’événement créé, et peu importe l’âge, le public sera toujours au rendez-vous. « Rennes a toujours eu cette réputation de ville rock ». Et la relève des programmateurs de saluer cette « ancienne jeunesse » qui continue encore aujourd’hui à bien envoyer sur scène ; mais ils préviennent, un sourire aux lèvres : « la nouvelle se bouge bien ».
Échos de la nouvelle scène musicale rennaise, les deux associations renvoient également au boum associatif de leur petit bourg, à l’image de G2C, organisatrice du Emgav festival.

Emgav festival, par l’association G2C

L’Ekcorché et Flou restent très récents, mais espèrent déjà inspirer les générations futures. « Voir des associations se développer sur Servon-sur-Vilaine, c’est envoyer un message : c’est possible, tout le monde peut le faire. »
Grâce à ses évènements, ces jeunes gens très modernes ont amené Servon-sur-Vilaine à Rennes. Prochain objectif ? Ramener Rennes à Servon-sur-Vilaine !

Quentin Aubrée

Pour suivre les deux associations :

Ekcorché ; prochain évenement le 16 juin ici sur facebook

Flou ; prochain événement le 21 juin pour la fête de la musique ici sur facebook

L’histoire du musicien originaire d’Amiens avec le TNB promet de s’écrire au-delà des classiques partitions. Faux dilettante et touche-à-tout, sieur Albin est familier des performances et réalise aussi des films fantômes.

« Chuis un peu intimidé. En gros, j’vais parler d’moi. A l’heure actuelle, je suis auteur, compositeur, interprète. Chanteur quoi ! » Pantalon vert batracien, cheveux en bataille et yeux pétillants, Albin l’Eleu de la Simone n’a pas son pareil pour mettre son auditoire dans la poche, en l’occurrence l’équipe du TNB. « J’allais pas prendre un pseudo alors que mon nom ressemble à un pseudo. » La veille, il s’est produit à Mythos où il a joué « L’Un de nous » son nouvel album tout juste paru (le cinquième depuis 2003).

Déjà deux décennies d’activité pour l’artiste de 46 ans qui est aussi compositeur, arrangeur, accompagnateur pour des dizaines d’autres : Vanessa Paradis, Dick Annegarn, Jeanne Cherhal, Miossec, Jean-Louis Murat, Vincent Delerm, Jean-Louis Aubert, Alain Souchon, Raphael, Brigitte, Keren Ann, Salif Keita, Angélique Kidjo, Shaka Ponk, Iggy Pop… « J’ai essayé de rester moi-même avec des projets qui me ressemblent … ou pas. »

En roues libres

« Mon père était musicien amateur, clarinettiste de jazz New-Orleans. Moi je voulais être musicien de jazz contemporain. » Objecteur de conscience au Label Bleu d’Amiens, il retranscrit les partitions d’Henri Texier, Michel Portal. Le pianiste de formation s’est « vraiment imaginé jazzman ». Mais bientôt, il éprouve un « besoin de liberté », les textes lui manquent. Il rencontre Katerine, M, Mathieu Boogaerts, Arthur H… et à 30 ans il écrit sa première chanson. « Mais je suis laborieux dans l’écriture. Je ne sors que les chansons que j’ai réussi à finir. Et je m’intéresse à d’autres disciplines moins codées, la chanson étant régie par une industrie qui vend des objets, même si ça ne m’a jamais conditionné dans mon travail. »

S’il confie qu ‘il se produira au TNB en duo avec Keren Ann lors du festival Mettre en Scène en novembre, ce sont aussi d’autres projets (incertains) qui l’amènent ici. « A Orléans, Arthur [Nauzyciel] m’avait invité pour des lectures d’Allen Ginsberg. Il voyait en moi une bizarrerie qui me reliait à lui. C’est vrai que j’adore parler de jambes coupées, de drogues dures… A chaque concert, je reprends une chanson étrange. Sans lien apparent avec mon répertoire, ça fait pourtant partie de ma culture. »

Arthur Nauzyciel, directeur du TNB

Pas étonnant qu’Albin de la Simone ait inventé les Films Fantômes. « Entre exposition, concert et spectacle, on raconte aux spectateurs une dizaine de films que j’ai inventés. Ma filmothèque idéale, en quelque sorte : de l’auteur français au blockbuster américain en passant par La Chèvre. Par l’oreille, on se fait des images. Les élèves de l’école d’arts plastiques où j’ai étudié à Tournai (Belgique) ont d’ailleurs imaginé des œuvres à partir de ces films. » Albin apprécie les grands écarts où pointent les passerelles. « Secouer, bousculer. Aller où l’on n’est pas habitué à aller. Initier des projets ou en attraper d’autres qui sont en recherche de développement. Car on a du mal à décloisonner. »

Eric Prévert

Artiste associée au nouveau TNB d’Arthur Nauzyciel, Keren Ann va allumer des feux follets folk et éclairer l’équipement rennais sous un jour nouveau pendant trois ans. Rencontre avec une grande dame amoureuse de la vie, même si cette dernière est pleine de virages mélancoliques.

Si Keren Ann était architecte ou urbaniste, sa première décision serait sans doute de détruire la Tour de Babel, ce monument biblique qui divisa les hommes pour les punir et installa l’incompréhension sur Terre. Une chose impensable pour l’auteure, compositrice et chanteuse née dans un melting pot aussi profond que son âme mélancolique. C’est dans ce creuset qu’elle a toujours, dit-elle, récolté l’argile de ses créations. L’auteur de « La Disparition » ne tarde d’ailleurs pas à revenir aux origines, comme si celles-ci éclairaient son parcours, à la lueur fragile d’une chandelle.

Les souvenirs remontent doucement, la silencieuse Keren Ann s’anime. La silhouette est plutôt fluette, mais la voix, même si posée, force le respect. Toute de noir vêtue, la quadragénaire évoque « sa mère néerlandaise au sang javanais » ; « son père d’origine juive polonaise » ; sa propre vie de « Française née à Césarée », en Israël, un jour de 1974. « La famille de ma mère était profondément catholique. Celle de mon père était juive, et a été déportée. » La flamme de la bougie vacille : « Pendant la guerre, mes grands parents maternels ont hébergé une famille juive. Les membres de cette dernière ont été tués devant ma mère, qui s’est toujours sentie redevable envers la communauté israélite. » Tout un symbole, c’est à Paris, la capitale du monde, que ses parents se rencontreront. « Ma mère y a vu un signe… »

Leonard Cohen, Sylvia Plath et la Shoah

Ce signe guide-t-il encore les songes et le songwriting de Keren Ann ? « La musique folk est le son de la mélancolie », pose-t-elle comme une réponse. Entre deux concerts donnés à Mythos, elle a pris le temps de venir rencontrer l’équipe du TNB, qu’elle fréquentera trois ans durant. « Je suis actuellement en studio pour l’enregistrement d’une musique de film », pose-t-elle, avant d’expédier la partie la mieux connue de son CV : « Je suis auteure, compositrice, chanteuse. J’ai déjà réalisé 7 albums solos, plus quelques autres pour des artistes. Des musiques de film, de pièces de théâtre, aussi, ainsi qu’un opéra pour Arthur Nauzyciel, le directeur du TNB qui m’accueille. » Ses muses musicales ne sont pas très difficiles à trouver, elles coulent de source folk : « Joni Mitchell et Patti Smith, Leonard Cohen et Bruce Springsteen, Lee Hazlewood et Bob Dylan… » Mais ce serait trop simple, et le cœur de Keren Ann bat aussi au rythme du jazz poétique de Chet Baker et de Billie Holiday. Ou de la prose « beat generation » d’Allen Ginsberg, une passion partagée avec Arthur Nauzyciel concernant l’auteur de « Kaddish and other poems. »

En solo, à six, ou accompagnée par un orchestre philharmonique, la chanteuse folk n’hésite pas non plus à briser les formats pour échapper à la routine, à l’image de « son dernier concert donné à l’Olympia avec un ensemble à cordes. » C’est que, seule sur scène ou noyée dans une foule musicienne, Keren Ann envisage toujours l’unisson, à l’horizon du monde.

Keren Ann ft. Raasha en concert à l’Olympia, 2016

« Tout est lié »

« Tout est lié », éclaire-t-elle : par exemple, la poésie romantique de Sylvia Plath ou d’Emily Dickinson, et la mélancolie folk. « Bob Dylan reste le plus grand, affirme-t-elle. C’est lui qui m’a appris à marcher et à aimer. Tout ce qui m’est arrivé dans ma carrière de musicienne, c’est grâce à lui. » Y compris l’invitation lancée par Arthur Nauzyciel de venir habiter le TNB ? « Sa proposition m’a fait sauter au plafond, s’enthousiasme-t-elle. Le voir créer et diriger m’a inspiré sur tellement de choses. »

Arthur Nauzyciel, directeur du TNB

Est-ce une ombre ou est-ce un ange ? Une lueur passe dans les yeux de Keren Ann. La musicienne revient à son histoire personnelle, où s’est construit son intérêt pour le « communautaire » et le « minoritaire », avant d’évoquer papa et « son goût immodéré pour les crooners », et maman, « fan de Françoise Hardy et Henry Salvador. » Est-ce-un autre signe ? Keren Ann a collaboré avec ce dernier.

« J’ai eu ma première guitare a 9 ans, aujourd’hui j’en possède 22 », sourit-elle avant de nous parler d’une autre passion, pour la bossa nova cette fois. « Gilberto Gil ou Gaetano Veloso font partie d’une autre diaspora. J’ai l’impression d’avoir compris leurs intentions sans même connaître leur langue. J’aime la mélancolie légère de ces raconteurs d’amour. » Raconter l’amour… « Au début, je voulais simplement écrire des chansons. Je ne savais pas que j’étais chanteuse et j’ai d’ailleurs mis longtemps à comprendre ma voix. Pour ma part, j’apprécie surtout celles qui racontent, ou qui crient. » Nouvelle résidente du TNB, elle ne devrait pas mettre trop de temps à trouver sa voie et à mettre du liant dans l’écrin rennais du théâtre et de la danse.

Jean-Baptiste Gandon  

 

 

CHANSONS DÉNUDÉES ET OPÉRA GOTHIQUE

La « liste des projets » pensée par Keren Ann pour le TNB n’est pas encore établie, mais quelques pistes existent, ainsi que de furieuses envies. Morceaux choisis :

Solo folk: « J’ai rarement tourné en solo, avec ma guitare. Ce concert de ‘chansons dénudées’ permettra au public de mieux appréhender mon univers. »

En voiture avec De la Simone : « Albin est un collaborateur de longue date. Nous voudrions faire quelque chose dans un lieu peut-être moins attendu qu’une scène. Pourquoi pas dans le hall du TNB ? »

Red Waters : « Red waters » (2003) correspond au premier plongeon de Keren Ann dans le monde de l’opéra. En collaboration avec Bardi Johannsson, du groupe islandais Bang Gang, et sous le nom de Lady & Bird, elle a co-signé le livret et la musique de cet opéra gothique mis en scène par Arthur Nauzyciel. « J’aimerais si possible le monter avec des artistes locaux, afin de le faire vivre le plus longtemps possible. »

Hip-hop optimiste : « J’ai envie de mettre en place un projet autour du rap avec un groupe d’adolescents. » Au menu, de probables collaborations avec Raashan Ahmad, rappeur américain passé maître dans l’art de mettre de la couleur le noir, et Kate Tempest, la slameuse européenne. « Le rap peut être à la fois engagé et tendre, fort et éducatif. J’espère que nous réussirons à mélanger folk et hip-hop, slam et guitare acoustique. »

France – Israël : « ma culture est partagée, elle est à la fois francophile et forgée dans l’histoire de la Shoah », explique Keren Ann. Dans le cadre de l’année croisée entre France et Israël, en 2018, elle pense notamment inviter Schlomi Shaban, songwritter israélien, et Dory Manor, traducteur en Hébreu des poèmes de Baudelaire et de Verlaine.

Keren Ann… de Bretagne. À venir, une collaboration avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne.

Énigmatiques icônes. « J’aimerais finir sur une création liée à une histoire mystérieuse et passionnante : celle d’Ecclesia et Synagoga. Ces deux femmes sont notamment représentées par des statues dans la cathédrale de Strasbourg. L’une porte une couronne, l’autre a les yeux bandés…» Entre les deux, un troisième personnage mécanique serait mu par un drone. « Est-ce l’homme qui leur a brisé le cœur ? Est-ce Dieu ? Ce troisième homme porte en lui quelque chose de robotique et d’inhumain. » Un drôle de Deus ex machina en perspective.

« Le French Miracle Tour est un projet unique en son genre, un étendard singulier et au final l’un des meilleurs moyens pour promouvoir la marque France. » C’est avec ces mots qu’Ismaël Lefeuvre, coproducteur de l’événement, décrit ce festival si singulier.

« Si je trouve le tube, je suis prêt« , Ismaël Lefeuvre semble armé pour l’avenir. Pour l’avenir, car le présent ne semble pas l’avoir compris : « Pour qu’il y ait de la musique, il faut d’abord un modèle économique. Or, celui-ci a énormément évolué. » Cet entrepreneur a pris les devants du modèle économique européen et s’est intéressé au système asiatique : « j’ai pris des parts dans la société numérique I replay. En gros, l’idée est de créer des chaînes de télévision pour le web. Aujourd’hui, pour chaque concert en Chine, ce sont entre 2 et 3 millions de personnes touchées en live streaming. Ce pays a anticipé la musique de demain. Que l’on parle de l’accueil du public, de la taille des festivals ou de la modernité des hubs professionnels, nous sommes tout simplement dans une autre dimension. »
Cependant, Ismaël Lefeuvre n’en oublie pas la scène européenne et française : « nous pouvons nous prévaloir d’une expertise et d’un réseau sans équivalent en France, et nous sommes d’ailleurs régulièrement approchés, on s’intéresse de plus en plus à nous. » Alors qui sait à quoi la musique de demain ressemblera ? Personne.. Sauf peut-être  Ismaël Lefeuvre.
En attendant, nous pouvons profiter du présent, et plus exactement du 27 avril au 16 mai. C’est la période durant laquelle des groupes français ont pour mission de faire se rencontrer la scène musicale française et les publics d’Asie.

 

Deux groupes ont rapprochés l’Armorique de l’Asie en quelques notes de musiques : Totorro et Manceau

Totorro est un groupe unique, difficile à catégoriser, qui offre des repères, certes, mais des sensations et des émotions qu’on n’a jamais assemblées de cette façon. Une musique instrumentale qui en dit long, où chaque épisode raconte des choses qui rendent les mots inutiles. Pas de chanteur, on observe les deux guitaristes (Christophe Le Flohic et Jonathan Siche), le bassiste (Xavier Rose), et le batteur (Bertrand James). Tout s’imbrique à la perfection. Ils ont passé des heures et des heures ensemble et ça se sent. L’union fait la force.

Certains qualifient sa musique de math-rock, pour exprimer une certaine complexité dans la structure des évènements, mais les morceaux se vivent comme des histoires racontées… finalement assez éloignées des maths !

C’est en 2010 que les quatre musiciens de Manceau se révèlent au monde grâce à un premier EP remarqué et remarquable. Deux ans plus tard, le quartet décide de passer le cap du premier album.
Entouré de Xavier Boyer et Pedro Resende de Tahiti 80, Manceau brode « Life Trafic Jam » qui sort sur son propre label Monophonics. Si le disque leur ouvre les portes de grands festivals français (Transmusicales, Printemps de Bourges, Main Square, Francofolies…), c’est jusqu’au Japon que la musique de Manceau voyage. Sorti là-bas chez JVC, l’album connaitra un joli succès qui marque le début d’une relation privilégiée avec le continent asiatique. C’est en 2010 que les quatre musiciens de Manceau se révèlent au monde grâce à un premier EP remarqué et remarquable. 

Deux ans plus tard, le quartet décide de passer le cap du premier album. Entouré de Xavier Boyer et Pedro Resende de Tahiti 80, Manceau brode « Life Trafic Jam » qui sort sur son propre label Monophonics. Si le disque leur ouvre les portes de grands festivals français (Transmusicales, Printemps de Bourges, Main Square, Francofolies…), c’est jusqu’au Japon que la musique de Manceau voyage. Sorti là-bas chez JVC, l’album connaitra un joli succès qui marque le début d’une relation privilégiée avec le continent asiatique.

 

Deux phénomènes sur les scènes de l’Orient

Il a le profil d’un rappeur américain, aligne les punch-lines savoureuses en anglais avec aisance, mais il est français.
KillASon, aka Marcus Dossavi Gourdot, jeune homme talentueux de 22 ans d’origine béninoise, est en passe de devenir l’un des artistes les plus complets de la scène hip hop.
Rappeur, beatmaker, danseur, cet artiste à 360° a trouvé dans le hip hop un écosystème à la hauteur de son talent. Son style ne s’impose pas de barrière, ses ambitions n’ont pas de frontière.

« The Rize », son premier EP de 9 titres sorti en janvier 2016, ne ressemble à rien de ce qui se fait dans le game du rap tricolore. Il est inventif, fantasque, extravagant, en forme de kaléidoscope musical, mêlant le meilleur du hip hop, de l’électro et de la pop.
Gagnant du prix Discovery au Festival Nördik Impakt 2015, artiste du FAIR 2017, Talent Adami 2017, les Bars en Transe, le Printemps de Bourges, le Dour Festival, Rock en Scène, les Vieilles Charrues, et la liste est longue, KillASon enchaine les tournées, laissant sa trace sur toutes les scènes.
KillASon est indéniablement un sacré performer.

Depuis 2007, Yelle scintille sur la scène electro-pop. Avec une intuition avant-gardiste pour les tendances et la culture pop, ses albums ainsi que ses innombrables concerts et festivals aux quatre coins du monde, font rayonner ses mélodies et ses chansons en français à l’échelle mondiale.
Peu d’artistes aujourd’hui peuvent se prévaloir d’avoir à ce point réussi à transcender toute barrière linguistique sans jamais renier ce qui les constitues. A savoir pour Yelle : l’innocence, le fun et l’audace. Et tout ça en français.

“I don’t know what you mean but it means a lot to me” le gimmick de sa chanson «L’Amour Parfait» sortie en 2013 résume assez parfaitement ce je ne sais quoi qui rend Yelle si singulière.

Pour voir le reste de l’aventure French Miracle Tour, rendez-vous sur la chaine Youtube de : French Miracle Tour

French Miracle Tour, 27 avril au 16 mai 2017 ; http://www.frenchmiracle.com/ ; http://www.fipradio.fr/actualites/cap-sur-l-asie-avec-le-french-miracle-tour-27986

Fidèle à ses bonnes habitudes, le festival Big Love pose ses platines dans le centre ville de Rennes, dont il investit les lieux les plus insolites pendant trois jours. L’occasion, pour les amateurs, de se mettre à l’aise avec le meilleur de la house.

« Our house, in the middle of the street ! » Pour paraphraser Madness, le célèbre groupe ska british, la house music sera au milieu des rues de Rennes pendant un long weekend, à l’occasion de la 3e édition de Big Love. Dans les rues du centre ville, mais aussi dans ses parcs et bien sûr, aussi, sur scène.
« Le mode d’emploi de Big love est toujours le même, pose Luc Donnard, première pince de l’association Crab Cake corporation. L’idée est de proposer un parcours de découverte : de la musique bien sûr, mais aussi de la ville. » En toile de fond : l’envie de créer des affinités électro avec de nouveaux publics. « Un festival, ce n’est pas forcément une grosse teuf pour les 18-25 ans. » Pour joindre le geste à la parole, Big love réfléchit avec l’office de tourisme Destination Rennes à un « weekend global de découverte » invitant à suivre également d’autres sillons que ceux des platines de DJ.

Franche Touche

L’ouverture du festival ne se fera pas en fanfare, mais en symphonie : « quelques musiciens de l’Orchestre de Bretagne épaulés par un DJ vont reprendre des standards de la musique électro des 1990’s, dans la cour de l’Institut Franco-Américain. » Au menu : Aphex Twin, Pantha du Prince, Rone, et Frankie Knuckles. « Pour l’anecdote, le terme « house » vient de Frankie Knuckles, à l’époque où il était DJ au Warehouse, le club qu’il a lui-même créé à Chicago. » La transition du vendredi au samedi sera longue à l’Ubu, ou Fort Romeau et la mascotte de Big Love Job Jobse oseront la house jusqu’au bout de la nuit.

Job Jobse

Faute de pouvoir disposer de la salle de la Cité, la « grosse soirée » du samedi aura lieu dans un lieu pour l’heure tenu secret. Les grosses pointures ? Le Lusitanien Trikk et ses sons tribaux ; l’Anglais Midland et ses grands écarts entre disco et techno ; le collectif cold Honey sound system… L’après-midi aura auparavant vu deux DJ allemands arroser le dance floor du côté du jardin de la Confluence.

Midland

Le final aura enfin lieu square de la Touche, où s’invitera également le Marché à manger, avec 8 chefs derrière le piano à maître queux. L’occasion de déguster un DJeuner en compagnie de la Rennaise Gigsta et du Suédois Mister Top Hat. Pour le dessert ? Le vieux de la vieille Superpitcher et son set « hyppie dance » généreusement étalé sur quatre heures. La morale de l’histoire : Big (love) is beautiful.

 

Big Love #3, les 9, 10 et 11 juin, Institut Franco-Américain, Ubu, Jardin de la confluence… www.biglove.fr ; www.crabcakecorporation.com ; @crabcakecorpfr ; @biglovebyccc

Jean-Baptiste Gandon

Petit nouveau dans la famille des festivals de musique rennais, le Made festival n’a eu besoin que d’une édition pour mettre la ville et le parc des expositions sens dessus dessous. La place est encore chaude que la 2e édition se profile déjà à l’horizon, avec toujours, une programmation house et techno à la pointe… des platines de DJ. 

 

En mai, fais ce qu’il te plait, mais surtout, vas au Made. Sage et un peu folle en même temps, la devise du festival rennais sera de nouveau à la mode pendant trois longues nuits de fête et de musique. À peine remis de la première édition, Rémy Gourlaouen prend tout de même le temps de regarder dans le rétro : « le Made est parvenu à fédérer les associations rennaises, une dizaine en tout. Au Hameau sur le mail François Mitterrand, à l’Hôtel Pasteur, au parc des Gayeulles ou au Parc des expositions, les concerts ont pour la plupart affiché complet. »

« Programmer des artistes jamais venus à Rennes »

Rennais « à 95 % », le public a pu constater que le Made propose ni plus ni moins le meilleur de la musique house et techno. « La 2e édition approche et l’on constate un intérêt croissant de la part du public extérieur, parisien notamment. » Cette année, ces derniers pourront notamment profiter de deux soirées au parc des expositions, la nef des fous de l’électro à danser, ou encore de concerts programmés dans des lieux inattendus, comme les cartoucheries de la Courrouze. « Notre idée est de programmer des artistes jamais venus à Rennes, ou alors pas venus depuis longtemps. »

Made in Rennes

À l’affiche, une soixantaine d’artistes venus des quatre vents. Parmi eux, la star mondiale Maceo Plex ; Robert Hood, pionnier historique de la techno de Détroit, par ailleurs créateur d’Undergound Resistance ; quant au dinosaure britannique de la techno Luke Slater, certains « vieux » rennais ne peuvent avoir oublier son passage aux célèbres soirées Planètes des TransMusicales. Des révélations en marche ? « L’Allemande Helena Hauff donnera son premier concert à Rennes, l’occasion de découvrir sa musique métissée, entre new wave, electro body music belge et techno indus ; je citerai aussi le Bulgare Kink, dont le show a tout simplement été élu « meilleur live au monde » par les lecteurs de Resident advisor… »


Pour finir par les agités du local, on guettera le live des rennais de Cats soiled, issus de la mouvance Chevreuil.
« À l’avenir, le Made aimerait multiplier les concerts en live avec des vrais groupes (par opposition au set de DJ, ndlr) », conclut Rémy Gourlaouen, le programmateur d’un festival non pas French touch, mais néanmoins Made in Rennes.

Made festival, du 18 au 21 mai, + de 70 artistes programmés, au parc des expositions et 12 autres lieux. www.made-festival.fr

À la base, il y avait quatre jeunes copines, transcendées par la chanson française. Aujourd’hui, il y a le festival des Embellies, dont la nouvelle édition se tiendra du 5 au 11 mars. Entre les deux, vingt ans de passion musicale, des Têtes Raides à Peter Broderick.

Onze artistes se produiront à l’UBU, au Jardin Moderne et à la Parcheminerie dans le cadre de la 19ème édition des Embellies, du 5 au 11 mars. Douze autres le feront aux Champs Libres: le festival s’y fera la belle le 5 mars, pour un Dimanche à Rennes oscillant entre ateliers et concerts.
Vision de ce festival tout juste majeur et loin d’être mineur à travers les yeux de Stéphanie Cadeau, l’une des deux fondatrices du festival des Embellies encore en exercice.

Les Embellies, pourquoi, pour qui ?
Stéphanie Cadeau : Nous étions quatre copines de lycée, on terminait nos études et on aimait la chanson française. Créer ce festival, c’était créer l’occasion d’en programmer. La première édition s’est faite dans des bars, d’où le nom des Bar’Baries. Avec le succès de notre second concert de La Tordue, notre association (Patchrock) a très rapidement été prise au sérieux. Le festival a connu un virage pop rock une dizaine d’années plus tard et, en 2006, nous avons opté pour un nouveau nom, plus poétique : les Embellies, inspiré du nom d’un album de Franck Monnet.

Le nom, le style musical: pourquoi tous ces changements ?
S.D : Nous proposons ce que nous aimons, sans limites, sans barrières. Nous avons aussi décidé de revenir à un esprit de découverte, en renonçant à la programmation de grosses têtes d’affiche, qui pouvaient nous faire remplir Le Liberté mais qui au final n’apportaient pas plus que cela et étaient très coûteuses. Nous étions sur des jauges de milliers de personnes, aujourd’hui c’est plus quelques centaines. Travailler au développement d’un artiste est plus intéressant, on se sent utile et c’est d’autant plus motivant. C’est la même chose pour notre activité de label et les résidences d’artistes que nous accompagnons.

Vos coups de cœur dans la programmation de cette année ?
S.D : Impossible à dire, cette année la palette est assez large ! On commence par de la chanson française avec Miss Sparrow, et on terminera par une soirée pop rock le 11 mars. L’évolution du festival en fait ! Je pourrais citer tous les artistes en coups de cœur, mais celui qui me vient en tête est le groupe Nursery, qui jouera samedi au Jardin Moderne. Tout était bouclé, la programmation était faite, et puis… on les a entendu. Ils ont été ajoutés vraiment au dernier moment.

Le 5 mars, Dimanche à Rennes sera sous le signe des Embellies. Quel est le programme?
S.D : Douze propositions artistiques seront accueillies dans tout le bâtiment des Champs Libres. Ça sera plein de petits spectacles, de petites jauges. On y travaille depuis le mois de mai, ça sera très dense. Il y aura des concerts, des ateliers, des arts visuels… Il y aura aussi la chorale pop des enfants de l’école Moulin du Comte, que nous avons accompagné toute l’année dans le cadre des actions culturelles que nous menons avec notre association Patchrock. Il y aura quelque chose à voir dans chaque recoin !

Le Festival Jazz à l’Etage propose pour sa huitième édition une programmation éclectique qui contente à la fois les amateurs de jazz et le grand public. Un rendez-vous musical à ne pas manquer à Rennes et Saint-Malo.

Un jazz inspiré par le métissage

Mélanger les stars du jazz d’aujourd’hui avec les nouveaux talents de la scène jazz, venus du grand d’ouest ou d’ailleurs, c’est le pari que s’est lancé le festival Jazz à l’Etage. Et la huitième édition ne change pas de partition avec une programmation très éclectique

« L’idée du festival c’est de faire venir des artistes internationaux et les stars du jazz de demain » explique Yann Martin Directeur artistique de Jazz à l’Etage. « Nous invitons de nouveaux artistes qui sortent du code traditionnel du jazz, des musiciens qui viennent de partout : d’Israël, d’Arménie, de Belgique des USA, de France… Leur source d’inspiration c’est le métissage, un jazz est souvent plus accessible au grand public ».

« Rajeunir le public traditionnel du jazz »

« Le parrain des premières éditions était le contrebassiste Avishai Cohen qui a très clairement modifié dans l’esprit du public la perception du jazz » ajoute Yann Martin, également producteur d’artistes de jazz. « Il est en effet aussi proche de la pop, que de la chanson de la musique traditionnelle ou encore du jazz new-yorkais. Un mélange de différentes influences qui permet de rajeunir le public traditionnel du jazz ».

Le festival est aussi l’occasion pour les artistes de la scène bretonne et du grand Ouest de croiser des musiciens internationaux invités chaque année sur la scène de l’Etage et dans d’autres lieux culturels à Rennes et Saint-Malo.

Le Quartier Général du festival est installé à l’Etage, d’où son nom. Cette salle de spectacle, située au cœur de Rennes dans le Liberté, accueille aussi pendant le festival des concerts plus informels dans l’espace bar. Jazz à l’Etage s’invite également dans les médiathèques de Rennes Métropole, aux Champs Libres ainsi qu’à L’Ecomusée.

Le festival Big Love a été imaginé en 2015 par Crabe Cake Corporation, une association qui organise depuis plusieurs années des soirées et des évènements festifs à Rennes et Saint-Malo. Ce collectif artistique qui regroupe DJ’s, graphistes et passionnés de cultures électroniques, a voulu créer un format d’événement différent, une fête joyeuse qui s’étire sur un long week-end, du vendredi au dimanche.

Décloisonner le temps et l’espace en faisant la fête

Le concept de Big Love est simple : faire la fête dans des espaces inattendus à des moments de la journée différents. « L’objectif est de décloisonner la musique électronique, de s’ouvrir à d’autres publics en sortant du monde de la nuit et des clubs. Les gens viennent simplement pour être séduits et s’amuser » explique Luc Donnard Directeur artistique et fondateur de Crabe Cake Corporation.

Un festival pas comme les autres qui n’a rien d’un marathon. Luc préfère d’ailleurs le terme de « micro-festival ». « C’est un parcours dans la ville, il n’y a qu’une seule scène à chaque fois et on ne rate rien ». Sur les 3 jours, les organisateurs ménagent aussi des pauses, des temps de repos pour recharger les batteries et encore mieux profiter des bonnes vibrations.

« Retrouvons-nous dans un parc, dansons ensemble et buvons un coup »

Comme son nom le suggère, Big Love est un cocktail de bonne humeur et de convivialité. « On souhaite véhiculer de bonnes énergies. Le message c’est « dansons ensemble et partageons quelque chose de positif ». Beaucoup de gens ont ce désir assez simple. D’où le nom totalement assumé de Big Love. Sans doute un peu utopique, mais on en a besoin et la fête est un vecteur privilégié pour y arriver» affirme Luc Donnard.
Et quitte à faire la fête, autant choisir des endroits magnifiques comme les parcs et jardins de Rennes ou des monuments historiques. La cour du Parlement de Bretagne par exemple dans laquelle s’ouvre Big Love 2.

« S’inspirer des lieux pour mieux les sublimer »

L’idée d’organiser des concerts électros dans des lieux de patrimoine est venue assez naturellement. Avant de bifurquer vers l’organisation d’événements culturels, le fondateur de Crabe Cake Coporation a suivi des études en urbanisme à Rennes. Son mémoire de maîtrise sur la reconversion des friches industrielles en lieux culturels l’a inspiré pour creuser le sujet de l’occupation festive de l’espace public, notamment lorsqu’il travaillait pour le Festival Nuits Blanches à Paris.

Et à Rennes ce ne sont pas les lieux qui manquent. « L’idée c’est de partager quelque chose de positif dans un lieu qui appartient à tout le monde » détaille Luc Donnard. « La gratuité des concerts dans les parcs sert aussi à ouvrir la musique électronique à ceux qui ne la connaissent pas encore ». Et c’est un bon moyen de découvrir la ville et son riche patrimoine naturel et historique.

« On aime bien créer un univers féérique »

Pour accueillir le public dans ces lieux étonnants, l’équipe « s’inspire des lieux pour mieux les sublimer », comme dans le Parc Oberthür, les jardins du Palais Saint-Georges en 2015 ou le Parc des Tanneurs, le jardin Saint-Cyr et la Cour du Parlement de Bretagne pour l’édition 2016. « On aime bien créer un univers féérique avec beaucoup de guirlandes et de vielles ampoules en collaboration avec le collectif de décoration et de scénographie Zarmine qui travaille aussi pour les Trans’ ».

Le mélange des genres avec des artistes électroniques installés dans des jardins ou des lieux de patrimoine, c’est ce qui rend Big Love aussi particulier. Luc Donnard se souvient d’ailleurs avec émotion du final de la première édition au Parc Oberthür. « Une averse avait un peu refroidi nos ardeurs dans l’après-midi mais les gens sont finalement revenus le soir pour le final » raconte Luc Donnard. « Il s’est clôturé avec Job Jobse sur une version culte de La Vie en rose de Grace Jones, un instant magique ! »

Entièrement organisé par les étudiants de l’Insa de Rennes sur le campus Beaulieu, Rock’n Solex est un festival unique à l’histoire singulière. Compétition de Solex d’abord, puis concerts tous styles et animations déjantées forment l’ossature de cette aventure démarrée en 1967.

1967. L’Institut national des sciences appliquées (Insa) n’est ouvert que depuis un an et déjà l’Amicale des élèves turbine pour égayer le quotidien scolaire des futurs ingénieurs. « Je faisais partie de la commission loisirs et culture au sein de l’Amicale, raconte Dominique Verdier » étudiant de la deuxième promotion de l’école. « Je ne me souviens plus qui a eu l’idée de cette course de Solex mais j’ai donné le coup d’envoi de la première édition. » Le 2 décembre 1967, ils sont une douzaine d’étudiants à disputer « Les 24 minutes de l’INSA », « un clin d’œil aux 24 Heures du Mans ! ». Le Bulletin insalien d’information périodique (BIIP) de l’époque précise : « Toutes les modifications sur les engins sont autorisées. Les carottages sur le parcours seront sévèrement pénalisés. » Et attention au « contrôle anti-doping » !
L’enjeu est en effet de taille pour les concurrents : « Deux litres d’essence au premier, un litre de bière au deuxième, une douche froide au dernier. » L’épreuve tient la route, perdure, se développe et se structure. 1975 marque un tournant: première campagne de communication, commissaires de courses, interventions de la Croix-Rouge…

Bruits et sons à l’unisson

L’histoire musicale de Rock’n’Solex commence en 1985. Jusqu’alors, pilotes, organisateurs, étudiants tapaient le bœuf en se rinçant le gosier au foyer de l’institut le soir après les courses. Pourquoi ne pas prolonger la fête par de vrais concerts ? Le premier groupe à fouler la scène sera Tohu (ex-Tohu Bohu). Dès 1988, le fest-noz ouvre le festival. Une soirée pour rassembler les générations (50 % d’habitués des festou-noz, 50 % d’étudiants) et faire entendre d’autres rythmes et ambiances. Le début des années 1990 est marqué par le nouveau rock français : Les Négresses vertes, Elmer Food Beat, Washington Dead Cats… En 1996, un jeune groupe se produit au bar Le Sablier dans le cadre des BaRock’n Solex. Un an plus tard, son album se vendra à trois millions d’exemplaires. Son nom claque : Louise Attaque ! En trois décennies, aucun genre n’a échappé à la sagacité des programmateurs.

À côté du son, les organisateurs n’oublient pas les animations. Et pas des moindres ! Saut en parachute, karting, baptême en montgolfière, démonstration de dragster… et même courses de poissons rouges, lancers de charentaises ou tournoi de pétanque-œuf. Un inventaire aussi farfelu qu’improbable qui dénote chez ces jeunes gens de vingt ans un esprit ludique et une capacité à ne pas se prendre au sérieux. Quant aux courses de Solex, c’est désormais 150 équipages (deux, trois ou quatre pilotes) qui affluent de la France entière pour disputer les trois jours de compétition : slalom, côte, descente, endurance vitesse.

« Et si on créait un festival ? » Au départ, cela ressemblait à une parole lancée en l’air, par un étudiant de Rennes 2 un brin mythomane. Mais le destin a pris Maël Le Goff aux mots, et la comédie dure toujours, vingt ans après la première édition de Mythos. « J’avais 22 ans, étudiant en histoire à Rennes 2. Je pratiquais le théâtre en amateur avec les copains de la fac. Accessoirement, j’étais et je suis toujours fils de conteur. »
Vite convaincu par la vitalité de cette parole contemporaine passée de mode, le Lorientais aura tout aussi rapidement l’occasion de passer à l’acte.


C’est dans le décor magique du Théâtre du Vieux Saint-Étienne qu’il commence à dépoussiérer cette si collante image du conteur moustachu, fumeur de pipe.
« Mon père m’avait donné son invitation pour assister à La Main du serpent, de la compagnie Tuschen. Ce spectacle a renforcé mon envie et ma conviction que la parole des conteurs pouvait être rock’n’roll. »
La première édition confirme son intuition : majoritairement étudiante, et a priori non soupçonnable de sympathie pour le conte à papa, l’assistance connaît le coup de foudre immédiat : « Pour les artistes, il s’agissait d’un nouveau public, et pour le public, d’une nouvelle parole, brute, libre, enracinée dans le monde. » Le festival continuera par la suite de creuser le sillon d’un événement à la fois artistique, festif et branché, notamment dans le Magic Mirror installé place Hoche en 1999. Le vieil art est plus que jamais vaillant, il souffle même un vent de nouveauté chez les partenaires toujours plus nombreux : le Pôle Sud à Chartres-de-Bretagne, le Grand Logis à Bruz, la Péniche Spectacle à Rennes, et tant d’autres à venir, taquineront désormais la muse des mots avec Mythos.

Les sirènes pop de la chanson française commencent elles aussi à se faire entendre, arme fatale du festival pour attirer les spectateurs dans le saint des saints : le paradis des mots dits. Vingt ans, et combien de temps forts ? Maël Le Goff entend encore le silence assourdissant du public hypnotisé par les mots bleus du crooner Christophe, sous le Magic Mirror du Thabor ; il se souviendra longtemps de cette phrase entendue auprès de spectateurs avouant être venus pour voir Bénabar, mais tellement heureux d’avoir découvert Gérard Pottier.
Le programmateur a atteint sa cible et touché une corde sensible : « Pour moi, Mythos est le trait d’union entre les Trans Musicales et Mettre en scène. »
Un subtil dosage entre conte et chanson ; un esprit convivial et festif ; un goût pour les prises de risques et les partis pris artistiques prononcés… La formule est là, vieille recette de grand-père remise comme par magie au goût du jour. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle rameute les foules.

Apôtres d’une pop volontiers épique, les six membres de Bumpkin Island cultivent un jardin secret où poussent des fleurs venues de tous les horizons musicaux. Ce groupe aux allures de collectif quittera bientôt « l’île aux ploucs » pour présenter son 2ème album « All Was Bright » au reste du monde.

Quand Bumpkin Island a enregistré les dix morceaux de « Ten Thousand Nights », en 2011, ces derniers n’étaient pas sensés descendre du grenier pour aller défendre leurs droits sur la scène des salles de concerts. Guitariste du groupe, Vincent confirme : « ces compositions ont été écrites pour le studio, du coup, nous ne nous sommes imposés aucune limite« , pose-t-il, le sourire en coin.

A l’origine longue de 35 minutes, « Ten Thousang Nights« , l’ultime chanson de l’album éponyme, empile donc les nappes sonores comme autant de couches d’ambiance. mixé par l’ingénieur du son de Sigur Ros, l’une des muses du groupe, le résultat final est tout simplement impressionnant, et l’on se dit que Bumpkin Island a largement gagné sa place dans notre discothèque, quelque part entre Arcade Fire et Radiohead.

Un temps sensible aux sirènes de la renommée, le groupe a rapidement cessé de compter les « likes » sur les réseaux sociaux et les étoiles dans les magazines spécialisés. « Nous avons porté beaucoup trop d’attention au mode d’emploi, pour que ça marche absolument. Nous ne pensons plus du tout à ça. Si notre musique doit arriver aux oreilles du plus grand nombre, ce sera uniquement par sa qualité« . La voilure de Bumpkin Island a été réduite de 9 à 6 membres, mais le groupe a continué de faire ses devoirs : deux e.p intitulés « Homeworks » sont sortis, « un peu plus électroniques que Ten Thousand Nights, et fruits d’un travail de composition collective. » Ces « devoirs faits à la maison » sont naturellement à l’image des horizons multiples des six Robinson : jazz, pop, rock, folk.. Une chose est sûre, le son est bien appris. Bien sûr, les membres de Bumpkin Island ont des goûts en commun : Sufjan Stevens, The National, PJ Harvey, mais sont trop fureteurs pour se contenter de cet héritage. Vincent à la guitare modeste, soulignant au passage l’aide précieuse des Disque Normal et de Patchrock, qui « leur enlèvent un poids« . Au fait, pourquoi Bumpkin Island ? « Cela vient d’un caillou au large de Boston, cela signifie l’île aux ploucs. » Si tous les ploucs pouvaient être comme ça..

Retrouvez Bumpkin Island sur leur facebook, mais aussi sur Bumpkinisland.bandcamp.com et Bumpkin-island.fr

Rennes se prépare à accueillir l’opéra Carmen, qui sera retransmis sur grands écrans le 8 juin. En avant-première, 1200 enfants ont bénéficié de concerts scolaires. Pour s’initier à l’opéra et avoir envie d’y revenir.

« Carmen, elle est très belle !  » : ils sont plusieurs élèves de l’école de Montgermont à en convenir, ce vendredi après-midi de mars. Les élèves de CE2 viennent d’assister à un concert spécial, reprenant les grands airs du célèbre opéra de Bizet.  Six solistes, dont la belle Carmen, se sont prêtés au jeu, sans fioriture, ni décor. Mais accompagnés par l’Orchestre symphonique de Bretagne.

1h 15 de concert, comme une histoire racontée. Après une entrée en matière très rapide qui amène les enfants au coeur de l’Andalousie, Julie Robard-Gendre arrive sur scène. Tout de noir vêtue, majestueuse, la chanteuse mezzo-soprano entame « l’amour est enfant de bohème ». Les 450 bambins, âgés de 7 à 10 ans sont tout à son écoute.

A deux reprises, les enfants sont invités à chanter : la « garde montante » et « toréador », chansons qu’ils avaient apprises en classe avant le grand jour. Des moments forts pour ces mélomanes en herbe, et certainement très formateurs. Pour démocratiser l’opéra, « nous misons entre autre sur les enfants  » explique Marion Etienne, responsable de l’action culturelle, « car on sait qu’il sera plus facile pour les adultes de demain de venir à l’opéra s’ils y sont venus étant enfant ».

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Le présentateur profite de chaque pause pour expliquer les différentes sonorités de voix. « Là, on va entendre un baryton, il va se battre au couteau avec Don José ». Vives réactions dans la salle !

Dire que le public est très attentif pendant toute la durée du concert serait un peu exagéré. À certains moments, les jambes gigotent, ou les regards se portent vers le somptueux plafond de l’Opéra. Mais au fur et à mesure que la tragédie se fait sentir, les têtes se tournent à nouveau exclusivement vers la scène. Les petites guibolles se calment, les yeux (et les oreilles) restent grands ouverts…jusqu’à la scène finale.

Exceptionnellement Julie Robard-Gendre descend dans le public pour quelques photos. La cantatrice est ravie de ces concerts avec les jeunes  : « C’est très agréable de chanter devant un public scolaire, car les enfants ont une écoute très franche. Ils sont hyper attentifs et présents ».

En attendant Carmen

Carmen sera joué à l’opéra de Rennes le 30 mai, le 1er, 3, 6 et 8 juin ( avec retransmissions).
Pour en savoir plus, répéter les chants, ou acheter des billets, rendez-vous sur le site de l’opéra de Rennes

Nul n’est prophète en son pays et il faut venir à Rennes pour rencontrer le spécialiste des musiques traditionnelles mongoles. Ne cherchez pas sa yourte, posée quelque part au milieu de la Prévalaye, Johanni Curtet habite dans un appartement, et c’est un peu par accident que le Manceau s’est retrouvé au beau milieu des steppes de l’Altaï.

Racontée par le principal intéressé, l’histoire est même drôle : « J’ai d’abord voulu faire du rock, comme guitariste et comme chanteur, mais mes amis m’ont supplié de lâcher le micro. Je me suis alors transformé en human beat box, mais cela agaçait ma mère. »
Jamais deux sans trois ! « Et puis, je suis tombé par hasard sur une démonstration de chant diphonique à la TV. J’ai été fasciné par Tran Quang Hai, qui réussissait à faire deux notes en même temps avec sa bouche. J’ai voulu l’imiter. »
Johanni Curtet entame des études de musicologie à Rennes 2, et inaugure à partir de 2004, une longue série d’allers-retours entre Rennes et Oulan Bator. « Là-bas, j’ai travaillé avec des maitres du chant diphonique, mais au-delà, je voulais apprendre leur langue, leur culture. »
Également membre du groupe Meïkhâneh, le diphoneur soutient sa thèse consacrée au chant traditionnel khöömi en 2013, puis passe à l’enseignement.
« J’interviens depuis 8 ans à l’Université Rennes 2 ou à la Cité de la musique. J’avoue que je suis de plus en plus sollicité : par les associations françaises ou les festivals, pour donner des cours ou des conférences, ça n’arrête pas ! »

Nomindari Shagdarsüren, alter ego de Johanni Curtet © Tran Quang Hai

Le khöömi : un chant hors du commun

Rencontrée en 2009, son alter ego mongole se nomme Nomindari Shagdarsüren.
« Quand j’ai rencontré Johanni, je travaillais pour l’UNESCO au recensement du patrimoine culturel immatériel de mon pays, se souvient elle. Le khöömi, c’est un peu l’équivalent du fest-noz en Bretagne. »
Ensemble, au sein de l’association Routes nomades, il ont tracé leur sillon et collecté ce patrimoine menacé de tomber dans l’oubli. « Le chant diphonique est très varié d’une région à l’autre de la Mongolie, mais aussi d’une personne à l’autre. Or, nous nous sommes aperçu qu’il n’y avait eu aucun travail de documentation sur le sujet, expliquant sa complexité et sa richesse. »
Parue sur le label Buda musique, leur Anthologie est une première mondiale. Composée de 43 titres, celle-ci « n’a rien d’un best-of ou d’une compilation. Je parlerais plutôt d’un atlas regroupant des professionnels et des amateurs, des femmes et des jeunes, des célébrités et des anonymes, des bergers et des mineurs… »
Voyage au cœur de la Mongolie millénaire, ce double album est enfin voulu comme « un objet tout public, enrichi par un livret étoffé et des vidéos en ligne. »
« En 10 ans, j’ai rencontré environ 400 musiciens. Certains d’entre eux ne savaient pas qu’ils avaient été publiés sur un disque. Derrière cela, il y a les idées de diffusion et de transmission »,
conclut Johanni Curtet.

Tournée Anthologie du khöömi Mongol, Festival Harmonie des Steppes, Arvillard, 2016 © Routes Nomades
Entre 500 et 800 Mongols habiteraient à Rennes, soit 20 % de la communauté française estimée à 4000 personnes. On se plait à imaginer des Trans’ mongoliennes, menées en musique et à un train d’enfer, entre Rennes et Oulan Bator. Quoiqu’il advienne, son premier ambassadeur fera tout pour que la voix de gorge n’arrive jamais dans une voie de garage.

Splendide objet à trois têtes (dix morceaux de musique folk rock, autant de portraits photographiques et de poèmes magnifiques) imaginé par Mickael Le Mûr, « The Lost Souls Bay » fait danser les fantômes de la Baie des Trépassés. Un hommage à la mer et à ses morts sans amertume et plein d’amour.

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Très passées, c’est comme si ces images utilisant la vieille technique du collodion humide étaient habitées par des fantômes. Ceux de la Baie des trépassés par exemple, une vieille légende bretonne n’ayant jamais cessé de fasciner l’enfant de Cap Sizun Mickaël Le Mur (Lebowski, The Dood’s…), alias The Wâll Factory.

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« Self Killer », « Brainstorm massacre », « Ghost family », Dark Night »… Illustrées par dix poèmes et autant de portraits photographiques, les compositions folk-rock de « The Lost Souls Bay » ne sont pas des murder-ballads, mais cela ne les empêche pas de venir se fracasser avec leurs souvenirs sur les rochers, entre la pointe du Raz et du Van.

Dans l’anse du diable, on croise donc encore quelques anges aux mélodies douces et recueillies. Gardien de phare indiquant la route entre les étocs, Mickaël Le Mûr fait bien sûr partie de ceux-là. Bien sûr, « The Lost Souls Bay » n’échappe pas au vague à l’âme, même perdue parce qu’emportée par le courant du Raz de Sein. L’amer se retire, emportant avec lui les morts, et découvre ce magnifique objet.

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The Lost Soul Bay, de The Wâll Factory. The Wâll factory est sur facebookband camp,…

Jean-Baptiste Gandon

 

Deux ans après l’e.p. « Bile jaune », Darcy continue de cracher son venin rock dans la langue de Bertrand Cantat. Les récents faits d’actualité semblent donner raison au groupe rennais qui vient de sortir ses griffes avec « Tigre » : il y a urgence.

 

Mardi 11 septembre 2001, quelque part sur terre, dans les airs, et dans les Hertz… Nous sommes en début d’après-midi, entre Rennes et Caen, sur France Inter pour être précis. L’animateur radio est pour le coup radieux d’annoncer en avant-première le nouveau single de Noir Désir, extrait de l’album « Des visages, des figures » à paraître le lendemain : « Ça y est, le grand incendie… New-York city… Emergency… Sortez la grande échelle. » Pour la petite et triste histoire, la diffusion du morceau sera interrompue par une annonce surréaliste, et finalement authentique : des avions viennent de viser les Twin Towers en plein cœur de New-York. Tout cela pour dire qu’il y a des signes qui ne trompent pas, des intuitions aussi fortes qu’une bombe à neutrons, des prémonitions aussi dévastatrices qu’une caisse de munitions…

 

La brigade du Tigre

Grands fans de Noir Dés’, les musiciens de Darcy étaient encore verts à l’époque. La colère en mode « Bile jaune », leur 1er E.P paru en 2011, était encore loin d’exploser pour atterrir dans les bacs, et les jeunes Buffalo Bill ne savaient pas encore que l’Histoire avec une grande hache viendrait un jour se mêler du destin du groupe rennais : « Nous aurions dû faire l’Olympia, en 1ère partie de Papa Roach », confirme Irvin Tollemer pour le groupe. Programmé deux jours après les attentats du Bataclan, le concert sera finalement annulé… Plutôt que d’un coup de pouce du destin, on parlera de croche-pied. Mais Darcy est resté debout, et les « événements » ont même permis au groupe de s’endurcir, confirmé dans la légitimité de ses textes engagés, et de ses instruments enragés.

 

 

Paru en octobre dernier sur le label Verycords et distribué par Warner, le premier album de Darcy confirme nos intuitions. Racé et lardé de coups de griffes, « Tigre » réaffirme au passage cette absolue nécessité pour le groupe rennais de chanter en Français. Après avoir multiplié les 1ères parties de prestige (No One is innocent, Mass Hysteria, Luke…), Irvin Tollemer et consorts n’ont pas envie de s’arrêter en si bon chemin. Hard-rock’n’roll façon Motorhead ou en mode métal américain, le groupe n’oublie pas non plus sa filiation directe avec les hordes punk-rock françaises. « Darcy en n’est qu’aux balbutiements. Nous avons passé avec succès le test des 1ères parties des grands frères, et nous pouvons désormais voir plus loin. » Sur le retour du français dans les musiques actuelles : « ce n’est pas encore vérifiable pour le rock, mais c’est incontestable pour la pop : des groupes comme La femme, Les pirouettes, Cléa Vincent et bien sûr Fauve ont rallumé la mèche, c’est une bonne chose. À Rennes, quelqu’un comme Romain Baousson (Bikini Machine, Sonic, Volontiers…) fait énormément progresser les musiques actuelles. »

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« Armageddon », « Justice », « Mitraillette », « Paris »… Les titres « coup de poing » se succèdent en rafale, pour le plus grand plaisir posthume des Kalashnikov. À l’image des images pas sages et un brin sulfureuses du clip « Paris », Darcy n’hésite pas à revendiquer et à mettre la société contemporaine et ses leaders au pied du mur. Pleinement engagée dans la lutte, Irvin Tollemer continue quant à lui de bomber le torse dans son Bombers kaki. « Le lendemain des attentats, nous jouions à la maison, c’est-à-dire à l’Ubu. Nous avons retiré « Mitraillette » de notre set-list, mais nous avons joué Paris deux fois. » L’histoire se répète-t-elle toujours deux fois ? Pas sûr… Après avoir frôlé l’Olympia, Darcy pourrait bien cette fois grimper au sommet de l’Olympe.

Jean-Baptiste Gandon

 

« Merci au John Peel Français qui m’a fait mon éducation musicale. » Osée sous la forme d’une dédicace par Christophe Brault, mémoire éminente de l’histoire musicale locale, la comparaison vaut son pesant de disques d’or. Quand les appels de l’onde du premier nous révélaient l’existence de David Bowie, de Joy Division et de The Smiths sur la radio BBC 1, Jean-Louis Brossard et ses partenaires historiques de l’association Terrapin écrivaient quant à eux les pages improbables d’un roman d’anticipation à succès nommé Les TransMusicales.

Quelques extraits : en 1986, quand il programme Noir désir, les Bordelais n’ont encore publié aucun album. Derechef quatre ans plus tard avec I Am. Le groupe de hip-hop marseillais est alors loin, en effet, d’avoir atteint le haut du Panier. L’année suivante, c’est Keziah Jones qu’un producteur tire par la manche pour le sortir du métro parisien et le proposer au festival rennais. Cela méritera bien un coup de chapeau de la part de l’auteur de Bluefunk is a fact, présent à Rennes pour fêter les 25 ans du festival. Tout comme Beth Gibbons, la chanteuse de Portishead. Le groupe de Bristol sera l’une des révélations de l’édition 1994, alors que Dummy, son premier album n’a pas encore fait parler de lui. Vu le titre, me direz-vous… L’on pourrait continuer avec l’histoire plus récente et l’exemple de The Ting Tings : il s’écoulera un an entre leur retentissant passage aux TransMusicales sur la foi d’un simple 45 T, avant que la déferlante médiatique ne s’enflamme et s’empare du phénomène.

Jean-Louis Brossard est donc le John Peel français. Mais quand le disc jockey britannique était exclusivement électrique, notre John Peel se veut résolument éclectique. Un tour operator monté sur ressorts, heureux d’aller dénicher du trip-hop en Chine, de l’electro en Palestine ou un héritier d’Elvis dans les rues de Bombay. Pour lui, la musique est naturellement actuelle, évidemment du monde, le groove universel et sans frontières. Parlez lui rock’n’roll, il vous avoue sa passion pour le free jazz et Albert Ayler. Rappelez-lui enfin  le coup de tonnerre de Nirvana, il vous assure que le groupe incarnant le mieux l’esprit des Trans, c’est Yargo. « C’était en 1987, à l’Ubu. Ils ont eu droit à cinq rappels, alors qu’ils n’étaient encore jamais sortis de Manchester. Les Massive Attack avant l’heure, ils sont revenus six ou sept fois à l’Ubu par la suite. » Esprit de contradiction ? Addiction aux contre-pieds, contre les idées reçues, surtout.

Franchement alors, quel festival peut-il en France se féliciter d’avoir réuni sur un même plateau, et ce dès 1988, les Têtes raides, les Négresses vertes et la Mano Negra ? L’histoire dira par la suite que ces trois couleurs à l’orthographe universel –raides, vertes, negra- permettront à la nouvelle scène musicale française d’étoiler une bien belle bannière. Aux esprits lents les relents, aux Trans les nouveaux talents.

Quel autre festival, dans le monde, peut-il également se vanter d’avoir embarquer sur le même bateau Beck, The Roots, Offspring, The Prodigy, Massive Attack et Portishead ? Nous approchions de Noël 1994, et cette arche de Noé-là n’abritait que des espèces en voie d’explosion… Que des têtes d’affiche, donc. Des icônes de posters promises à la postérité. Mais alors des étoiles brillant seulement dans la tête du programmateur des Transmusicales. Des rois de Rennes, encore sans couronne, mais promis à un long règne sur la planète rock.

La première édition improvisée en 1979 pour renflouer les caisses de l’association Terrapin, devait rester sans lendemains. Ces derniers ne cesseront pourtant jamais de chanter pour le festival, au point que le train des Trans’ est toujours en avance sur son temps, et compte aujourd’hui trente-huit wagons. Mais avant que les Transmusicales ne deviennent ce dessert de fin d’année tant attendu, le décor musical rennais ressemblait à se damner (n’en déplaise à Étienne Daho), au désert dunaire de Saint-Lunaire. Quel météorythme a-t-il bien pu alors bouleverser à ce point ce paysage aux maisons jusqu’alors si sages ?

 

Rio de Janeiro ? Non, Saint-Brieuc !

Du désert au dessert, et du far west au phare breton éclairant bien au-delà des frontières d’Armorique, il est nécessaire de reprendre le train musical en sens inverse en compagnie de Jean-Louis Brossard, l’un des principaux protagonistes de l’histoire. Assis sur la même banquette, déglinguée par les po-go païens de la grande époque, encore humide de crachats rageurs, lacérée par les larsens comme autant de coups de couteaux.

Pour constater que trente-huit ans plus tard, le Bordelais d’origine éprouve toujours le même malin plaisir à servir des grands crus millésimes sans prévenir ses invités. Que le Terre Neuva de la musique tient aussi de son père que les plus beaux voyages ne sont pas forcément les plus lointains… Né à Talence, Jean-Louis Brossard ne restera qu’un an de l’autre côté des grands boulevards bordelais. « Papa était professeur de basson. Nous l’avons d’abord suivi à Nice, puis il a dû choisir un poste entre Rio de Janeïro et… Saint-Brieuc. Ça a été Saint-Brieuc. Je me sens Breton depuis toujours. » À défaut d’enfance brésilienne, elle sera briochine et pleine de brio. Car ce décollage manqué ne l’empêchera pas de bourlinguer aux quatre vents musicaux. Comme l’apprentissage « forcé » du violon, de 5 à 15 ans, « pour faire comme tout le monde dans la famille », n’étouffera jamais les mille mélodies lui trottant dans la tête.

 

Punk moon

À Rennes, une des premières ondes de choc passera par la voix des hertz. « Avec Béa (Macé), Jean-René (Courtès), Richard (Dumas) et Psyché, nous animions une émission de radio, intitulée Rebop. Richard et moi, c’était le punk rock, Costello et Ultravox, Magazine et Patti Smith. Des groupes que tu écoutes en même temps qu’ils naissent. » Revenant en arrière, « mon phare radiophonique était le Pop club de José Arthur du temps de René Lattès, puis de Dominique Blanc-Francard. J’écoutais l’émission de 22h à 1h du mat’, sous mon oreiller. J’avais 13 ans, la page pop des Beatles était déjà tournée.» Cette urgence, cette immédiateté lui inspireront sans doute la devise des Transmusicales : « prendre sans attendre ce qu’il y a à prendre, car certains seront peut-être morts demain. » Paix à leur âme.

Mais remontons dans le train, direction Bordeaux, en provenance de Mont-de-Marsan. « Inconsciemment, je crois que l’une des étincelles des TransMusicales a eu lieu après avoir assisté au festival punk de Mont-de-Marsan. » Nous sommes en 1977, pour la deuxième et dernière édition d’un rendez-vous sans futur. Quoique… Jean-Louis Brossard, Béatrice Macé et Pierre Fablet prennent de plein fouet la déferlante landaise. Assistent, subjugués, au concert de The Maniacs « avec leurs crêtes orange ». Puis au set « super chaud » de The Damned, avant l’électrochoc The Clash. « Je me souviens que j’ai gueulé ‘White riot’, et ils l’ont joué ! Pendant ce temps-là, les Damned balançaient des boules puantes sur scène. C’était bon enfant. » Le lendemain, Dr Feelgood et Little Bob enfilent les perles, avant que Bijou n’enfonce le clou. « Palmer s’est tellement donné, qu’il est sorti de scène sur une civière… »

Autre étincelle : « Hervé (Bordier) tenait un magasin de musique, et possédait déjà l’expérience de l’organisation de concerts. C’est à lui que je dois par ailleurs l’entrée dans l’association de mon camarade de musique, Thierry « Titi » le Huitouze. Ce dernier tiendra 16 années durant les manettes des TransMusicales comme régisseur technique. »

 

79, année électrique

Des punks dans les Landes, d’accord. Mais transposer la formule à Rennes, petite bourgade bourgeoise plus habituée à la fièvre catholique… « Il n’y en avait que pour Yes et Emerson Lake and Palmer. Nous ressentions ce besoin urgent de morceaux de 2,30 minutes, avec le po-go et les crachats qui vont avec. » Réveiller Rennes l’endormie en somme, quant à quelques encablures, Nantes la portuaire grouillait d’échanges trépidants. Et, surtout, montrer la scène rennaise naissante aux Rennais. Un message parfaitement reçu par le public : les deux soirées de juin afficheront complet, avec un taux de participation (libre) de 3,33 francs par spectateur en moyenne. Modeste contribution, mais le 3,33 Tours du monde de la musique pouvait commencer, tournant autour d’un tout petit centre ville. Celui de Rennes, point de fixation pour toute une scène musicale, Rennaise puis bretonne, loin du stress et des prétentieuses paillettes de la capitale. À l’affiche cette année-là, le set des Marquis de Sade, « cinq européens en costume électrique » marquera bien sûr les esprits. Les Joy Division français « se mordaient l’intérieur des joues pour paraître plus maigres, alors qu’ils ressemblaient déjà à des chats de gouttière », s’amuse encore Jean-Louis Brossard. Pour certains musiciens Rennais, cette première apparition sera le point de départ d’un compagnonnage au long cours avec le festival. Ainsi du saxophoniste Philippe Herpin, qui d’Anches Doo Too cool à Sax Pustuls, enchaînera les projets, avant de porter à bout de bras l’audacieux projet qui mènera à la création de FFF. Le guitariste Pierre Fablet mettra quant à lui le contact dès 1979 avec Entre les deux fils dénudés de la dynamo avant d’entamer une longue boucle (Les Plaies en 1981, Tohu Bohu en 1982…), refermée trente ans plus tard au sein de Complot. Gilles Rio (P 38 en 1981, Les Conquérants en 1983…). Que dire alors de Sergeï Papaï ? Que le chanteur-bassiste se souvient certainement comme si c’était hier de la prestation très punk de Frakture.

Pendant les trois premières années, le festival se nourrira en fait de ce fertile terreau à géométrie multiple, qu’il enrichira en retour en leur permettant de s’épanouir sous la lumière des projecteurs. Citons Les Nus, de l’ex-Marquis de Sade Christian Dargelos, à l’affiche l’année suivante, et dont le morceau d’anthologie Johnny Colère sera plus tard repris par Noir Désir. Dominic Sonic, qui conservera longtemps comme une précieuse relique, sa chemise déchirée dans un élan d’héroïsme rock’n’roll, avec les Kalashnikov. James Bond qui deviendra L’ombre jaune, qui deviendra Niagara, les deux premiers programmés aux Transmusicales. Magie ? Mystère ? la greffe rennaise prend tellement bien que certains groupes changent de nationalité. « Un jour, le patron du label New Rose m’appelle enthousiaste pour m’annoncer la signature des Rennais d’Orchestre rouge. Théo Hakola et son groupe étaient pourtant bien Parisiens ! » Pour comprendre cet arbre généalogique aux ramifications complexes et subtiles, on ne saura trop conseiller la lecture de Dix ans de rock rennais, signé Christophe Brault et épuisé depuis belle lurette. Ce qui est vrai, et pour conclure, c’est que nombreux étaient déjà là en 1979, et sont toujours bien là, plus de trente ans plus tard, en 2016. La preuve d’une très, très, haute-fidélité.

 

Sans transition, le monde

Le cercle concentrique du festival s’élargit rapidement. De Rennais, puis Rouennais ( Les Dogs, Les Flics, Pin-Ups, Oenix…) en 1981, son horizon s’européanise avec la soirée du label belge Crammed disc en 1982. Minimal Compact assure un max, Jean-Louis Brossard rencontre Samy Birnbach, futur DJ Morpheus et aujourd’hui son ami de 30 ans. L’année suivante, Arno, l’autre Belge des Trans’ fait la première de ses quatre apparitions, avec les T. C. Matics cette fois. Les Italiens de l’étape s’appellent Liftiba, les Joy Division espagnols La Fundacion.

Il faut attendre la 6ème édition, en 1984, pour que les Anglais débarquent, avec The Fall. L’information ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd, Jean-Louis se souvient encore de l’otite de Mark E. Smith et de son passage par Pontchaillou. Il n’a pas oublié non plus les Chevalier Brothers, « Je les avais repérés au Half Moon à Londres. Cela reste un des très grands moments des Trans, avec The Mint Juleps, un quintette de nénettes chantant de la soul a capella. » Les années passent, les modes changent, à l’image des treillis militaires de Front 242. Mais pas le mode d’emploi, toujours aussi simple d’utilisation, direct et spontané : le chanteur de Sigue Sigue Sputnik l’apprend à ses dépens en 1986. « Mécontent d’avoir reçu une canette dans la figure, il chercha des noises au public, et sera finalement viré par le responsable de la sécu. »

Lenny Kravitz, House of love, Urban Dance Squad… (1989) ; FFF, I Am, The La’s, Soup Dragons… (1990) ; Zebda, Keziah Jones, Nirvana, Assassin… (1991) ; Pavement, Sonic Youth… (1992) ; Björk, No one is innocent, Les Rita Mitsouko, Jamiroquaï, Ben Harper, Carl Cox… (1993) ; Beck, The Roots, Massive Attack, Offspring, The Prodigy, Portishead… (1994) ; DJ Shadow, Garbage, DJ F. Galliano, The President of the United States, The Chemical Brothers, Saint-Germain… (1995). L’on pourrait prolonger à l’envie cet inventaire « à la Brossard ». Mais plutôt que d’énumérer l’innombrable, souvenons-nous que les Transmusicales atteignent une sorte de quintessence dans les années 90, une substantifique moelle résumée dans les soirées Planète : « certains se sont mis à prendre des platines comme on prenait des guitares en 1977. Mais surtout, les talents existaient déjà, chez nous, à Rennes. » Internet aidant, les années 2000 ne feront qu’accélérer le métissage des genres et les trans-connexions, les révolutions musicales et les révélations. Peu importe le style, pourvu que l’énergie soit là. Plus qu’un festival, les Transmusicales étaient devenues un label. Partie de Rennes, point minuscule de la Province française, la spirale Transmusicales n’a donc jamais cessé de tourner en cercles toujours plus larges, embrassant l’Europe, puis la planète. Que demander de plus au phare breton ? D’éclairer la lune ! Punk moon’s not dead !

Jean-Baptiste Gandon

 

 

   

 

Pas de chant chez Fragments. L’électro organique du trio rennais voyage sur une autre voie, bordée de sons et de rêves aux couleurs froides de la Scandinavie.

Une phrase tourne en boucle autour de Fragments. « Mais pourquoi vous ne chantez-pas ? ». Benjamin Le Baron, Tom Beaudouin et Joris Saidani ne se sont jamais posés la question. Mais ils ont la réponse. « Écrire, c’est difficile. Il faut avoir des choses à dire. Et il faut savoir chanter. La musique instrumentale développe un autre imaginaire. Plus libre ».

 

« On est plus Suède qu’Espagne »

Sorti des eaux en 2012, remanié après le départ de Sylvain Texier, le groupe vogue sur les claviers et les guitares en mode instrumental, à contre-courant. Entre post-rock et électronica. Pas de gros beats, des sons fins, des nappes envoûtantes, des arabesques mélodiques…

La musique de Fragments évoque Apparat, Mogwaï ou Air. Elle respire les aurores boréales, les lacs gelés et les forêts épaisses des pays nordiques. Couleur bleu nuit. Elle bricole des petites rythmiques organiques à base de pas enregistrés dans les feuilles mortes ou de percussions sur un vieux radiateur.

Les copains de Fragments sont des rêveurs à la mélancolie lumineuse. Leur musique contemplative appelle les images. Qui les appellent aussi. Pour la bande annonce d’un documentaire d’Arte sur les enfants adoptés puis abandonnés aux Etats-Unis, par exemple. Mais aussi pour un reportage sur la victoire de l’équipe de France de water-polo… Rien à voir. « La musique instrumentale suscite toutes les émotions ». La tristesse comme l’espoir chez Fragments.

 

FIP fan

Aux origines, de bonnes fées se sont penchées sur le berceau du trio. Le label rennais Patchrock et l’Antipode MJC, en particulier. Puis le bébé a grandi vite sur les tremplins et les tournées du Printemps de Bourges, des Transmusicales et des Vieilles Charrues. Un premier album (Imaginary seas) est sorti en 2016, suivi d’un live et une sélection FIP. Une belle vitrine pour aller plus loin.

Sur son succès naissant : « On est encore étonné. On fait de la musique de niche, pas très dansante. Sur le papier, ce n’était pas gagné ». Les programmateurs ont révisé leur jugement. « Au début, ils craignaient que ça soit trop calme. Genre chiant… Puis ils sont venus nous voir jouer ». Un jeu habité, tendu et expressif. L’heure est au live pour défendre le premier album. Un quarante-cinq tours sortira au printemps. Fragments a pris son temps. Du temps long, lent et léger. Et maintenant, tout s’accélère.

Olivier Brovelli

 

Fragments, « Imaginary seas », 2016, www.patchrock.com

 

 

L’EMPIRIQUE CONTRE ATTAQUE

Ni label ni tourneur, un peu manager, un brin promoteur et très porté sur l’image, Tanguy You est un peu tout cela à la fois. Au plus près des groupes et loin de Paris, l’agent tout risque imagine des stratégies, et ce faisant, invente un métier où les nouveaux médias numériques occupent la même place que l’artisanat.

 Tanguy you, c’est un peu le bon sens près de chez vous, et le bon son en prime. Pour aller plus loin, l’on dira que l’ancien joueur de reggae est un intermédiaire qui rêve d’un marché de la musique sans intermédiaire. Est-ce son passé chez Wagram, qui réactive chez lui un esprit un peu punk ? « J’avais été embauché là-bas pour travailler sur le retour aux affaires des Bérurier Noir. Un album était sorti, « Même pas mort », ainsi qu’une anthologie sous forme de coffret. » Une période au cours de laquelle l’ancien stagiaire des TransMusicales et des Vieilles charrues apprend ses classiques : majors, distributeurs, labels…

 

Nouveaux modèles économiques

Tanguy se fait ensuite la belle du côté des outils numériques et des nouveaux modèles économiques : il participe notamment à la création de Grand link, une base de données proposant des nouveautés musicales aux professionnels ; sur RKST.org, il est l’un des premiers à mettre en ligne des sessions de concerts ; il explore la nébuleuse des algorythmes proposant des playlists adaptées en fonction des goûts des cibles, et aborde la question des concerts à emporter…

Plus tard, à Nantes, il accompagne les premiers pas de Wiseband, une start up novatrice cherchant à supprimer les intermédiaires entre les fans et les groupes. « Les labels se gavent sur le dos des artistes », commente-t-il avant de reprendre : « Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de passer par les maisons de disque pour exister. »

Intermédiaire ennemi des intermédiaires, Tanguy You théorise sa propre pratique depuis la fin 2013. « De l’environnement numérique à la création des supports, l’image est fondamentale. » Le développeur de groupes dessine donc des stratégies « humainement tenables ». Cobaye de choix, le groupe Fragments a notamment bénéficié de ses conseils, et la collaboration semble porter ses fruits. Pour revenir sur l’importance du couple musique-image, il cite les collaborations de Fragments avec Rennes Métropole (pour la ligne B du métro) et le festival Travelling ; rebondit sur la présence d’un titre de son protégé Alan Corbel au générique d’une série télévisée américaine. « Nous sommes ici dans l’économie directe, ce qui n’est pas négligeable. » Sensible aux sirènes de la modernité et aux nouveaux outils numériques, Tanguy You n’en n’oublie pas pour autant les bonnes vieilles recettes de grand-mère. « Il faut aider les groupes à mettre en place une démarche globale. Derrière cela, il y a l’idée de service à la carte. Geek et artisan à la fois, Tanguy you cultive le net à la bonne franquette, car il n’oubliera jamais l’origine du monde : ce bon vieil esprit rock’n’roll.

 

www.tanguyyou.com

Jean-Baptiste Gandon  

 

 

LA MAISON DES PRODUCTEURS SE RELANCE

Le public connait les festivals, moins ceux qui œuvrent en coulisses. Or Rennes compte pléthore de structures musicales qui produisent et diffusent concerts et spectacles à l’année, ici, en France, à l’étranger. Et dans des esthétiques variées : rock, chanson, musiques improvisées, traditionnelles, du monde, jeune public, ciné-concerts…

En 2010, à l’initiative de Franck Pichot (L’Armada Productions) et François Leblay (La Station Service), plusieurs structures se sont réunies au sein d’une nouvelle entité : la Maison des Producteurs (MDP). « Afin, dans un premier temps, d’échanger sur nos pratiques et nos problématiques, se rappelle François Leblay. On se connait tous, on se croise aux concerts mais, accaparé par nos artistes, on est un peu isolé dans notre coin. » D’autant que les équipes sont souvent modestes. Quel que soit leur domaine d’activité, ces producteurs-tourneurs ont les mêmes préoccupations : dénicher des talents, les accompagner, trouver des financements pour leurs créations, nouer des partenariats avec des salles et des festivals afin de garantir aux artistes les meilleures conditions de répétition et de diffusion.

Au printemps 2016, la MDP a décidé de passer à la vitesse supérieure en intégrant d’autres acteurs bretons. Une démarche régionale à l’adresse des tutelles également. « Les élus connaissent bien le spectacle vivant, moins les musiques actuelles, analyse François Leblay. Sur les conventionnements, les aides aux structures plutôt qu’aux projets, le soutien promotionnel…, nous souhaitons les sensibiliser de manière pédagogique. Nous ne sommes pas une centrale syndicale. » Mais un vivier économique et culturel représentant des milliers d’heures de travail annuel, certainement. (E.P.)

               

COMING FROM THE COLD

 Révélé par un concert d’anthologie aux TransMusicales 2015, City Kay souffle le chaud sur le renouveau reggae. À l’origine d’un style dub et urbain, les six membres du groupe se sont affranchis de l’iconographie rasta mais ne sont pas des renégats du reggae pour autant. Balançant entre Londres et Rennes et oscillant entre électro et dub, la musique du sextet puise sa force aux sources du dub poetry de LKJ, aux roots de Burning spear, au rock de Sly and Robbie et aux harmonies vocales des Wailers. Le résultat nous laisse baba : le groove est sec et lourd, les harmonies vocales hors norme… Emmené par le chanteur-toaster Jay Ree, le groupe fondé par Jay Pharoah (également frontman du groupe Zenzile) a déjà partagé la scène avec Lee Scratch Perry ou Capleton. Il se prévaut également déjà de quatre albums (« New Times », « Preoccupations », « Travelling South Africa » et « Daystar »). Pour City Kay, la nuit des étoiles filantes a donc eu lieu en plein mois de décembre, une nuit de Trans’. Entre le reggae des villes et le reggae des champs de weed, votre cœur balance ? Rastafa… Rennes !

www.citykaymusic.com

Le Parking

Inciter les jeunes à traîner dans un parking ? Oui, mais pas n’importe lequel. Au Rheu, le Parking est un local de répétition et d’initiation aux musiques actuelles, accolé à l’espace jeunesse. L’endroit a été aménagé pour répondre aux besoins des jeunes musiciens. « C’est ouvert à tous, mais les mineurs ont des tarifs et créneaux préférentiels », souligne Delphine, animatrice de la structure. Les mercredis et samedis après-midi, c’est même gratuit pour eux. « On organise aussi des concerts. Une partie des recettes sert à accompagner les jeunes qui veulent se produire, ou organiser quelque chose. » Le talent n’a pas d’âge ! Espace Jeunesse le Quai 11 Rue du Docteur Wagner, Le Rheu

 

Le Combi bar

Tables en formica, canevas aux murs et tasses d’un autre temps pour servir le café : des sixties et seventies, le Combi bar a tout pris, Dalida et Mike Brant exceptés. Ici, la musique se conjugue au temps de la house et de la techno, l’une des deux passions de Guillaume, le propriétaire. La seconde ? Les cocktails. « Alors j’ai mélangé tout ça et j’ai ouvert un bar », sourit l’intéressé. Saupoudré d’une bonne pincée de rétro. C’était il y a onze ans et le concept n’a pas bougé d’un iota. Deux fois par semaine, il invite des Dj à se produire dans cet antre du kitch, « toujours dans un esprit de découverte. En général c’est des potes, mais des associations se sont aussi lancées ici, comme Tangente ou Midi Deux. » Et tous terminent enregistrés sur mini-discs, seule fantaisie « moderne » de ce bar tout droit sorti d’une faille spatio-temporelle. « Tout le monde s’en fout, rigole Guillaume, mais moi j’ai un lecteur mini-disc, je les repasse de temps en temps. » 55 Rue Legraverend, 19h-01h00

 

LES SALLES DANS L’AGGLO

Hyper actives à Rennes (Ubu, Antipode MJC, Jardin moderne, Liberté, L’Étage, etc), les salles de la Métropole ne sont pas en reste quand il s’agit de musiques. Au Pont des arts de Cesson-Sévigné, on taquine volontiers la musique du monde (en 2015-2016, Ibeyi), la chanson française (Maurane), le jazz (Melody Gardot), le blues (Hugh Coltman), la pop folk (Lou Doillon, Yael Naim) et même le classique (Requiem de Fauré). À Saint-Jacques-de-la-Lande, l’Aire Libre dirigée par Maël Le Goff (Mythos) fait la part belle à la musique avec du corps et de l’esprit et aux concerts qui regardent plus loin (créations en résidence). Cette année : la pop sensuelle et sacrée d’An Pierlé, la création en résidence de la révélation Fishbach, deux concerts événements de Vincent Delerm, le concert « Mammifères » du pêcheur de baleines Miossec, le retour de Keren Ann… Au Ponant de Pacé, les artistes locaux (Orchestre Métropolitain de Rennes, école de musique, etc), côtoient les pointures internationales (Imany, Talisco, etc). La balade métropolitaine nous fait ensuite passer par le Pôle sud de Chartres-de-Bretagne, où on n’hésite pas à miser gros sur les talents locaux (Mosai, Trio EDF,) la chanson française (Clarika, Zaza Fournier), jeune public (Mami Chan & Pascal Moreau) ou encore les musiques du monde (Chango Spasiuk, Bachar Mar-Khalifé, Du Bartas, Mze Shina…). La boucle ne sera pas bouclée sans une pause au Sabot d’or à Saint-Gilles ou à L’Agora au Rheu,  et un passage pas sage par le Grand Logis de Bruz. À l’image du lancement de la prochaine saison en fanfare avec l’iconoclaste Katerine, le 1er octobre dernier, l’équipement culturel sait prendre son public par les sentiments.

 

AU DÉPART, LE BLOG ÉTAIT UNE BLAGUE

 On y va avec le sourire, et l’on ressort immanquablement amoureux de ces démons de Midi-Deux. À l’origine du mal qui fait du bien : une triplette d’étudiants rennais ayant tout simplement réinventé la façon de faire la fête. Ne soyez pas en retard, leurs soirées affichent sold out en quelques minutes.

 Les meilleures histoires sont les plus courtes ? On espère que celle-là va durer, aussi vrai que les soirées organisées par Midi-Deux nous emmènent jusqu’au bout de la nuit. Aussi vrai qu’à l’annonce de leurs concerts, il suffit de quelques minutes pour que les compteurs s’affolent et que Digitick affiche complet. Autant dire que pour les fans de Midi-Deux, passée l’heure de cliquer, ce n’est plus l’heure…

Midi Deux, c’est d’abord l’histoire de jeunes étudiants toujours en avance sur leur temps, et prêts à faire des pieds et des mains pour toucher leurs idoles du doigt. Nous sommes en janvier 2010, tous les moyens sont bons, et eux sollicitent des interviews d’artiste (Mondkopf et Florient Meindl) pour un fanzine rennais inexistant. Mais si le mag est un fake, le blog rentre dans les faits. Avec leurs chroniques enthousiastes, leurs podcasts pointus et leur agenda exhaustif, Florian, Théo et Valentin font même rapidement référence dans le milieu rennais.

De blog virtuel à association très charnelle, il n’y a qu’un pas de danse, et Midi Deux commence à emmener Rennes jusqu’au bout de la nuit. « La techno est une histoire de feeling et d’émotion », nous dit-on alors. On ira juger sur pièce, lors de la première soirée programmée au Combi bar, puis poursuivie à l’Antipode. L’agenda marque novembre 2011, et « l’association rêve de faire bouger Rennes car c’est un peu restreint dans le genre électro. »

Six soirées ont suivi depuis. Entre temps, Midi-Deux s’est fait label (Midi Deux entertainment) et écurie pour DJ’s (Côme, Full Quantic Pass, Paroi, Signal ST…). Parmi ses poulains rennais, notamment : Calcuta. Créateur du crew Bokal en 2010, le drôle d’indien est par ailleurs proche d’Electroni(k) et membre actif de l’association Le square. Il cultive le style bass et les sonorités U.K pour mieux concrétiser ses raves. Quant à MMPP, le vieux loup tek a fait ses premières armes avec Midi-Deux, au Combi bar. Théo Muller ? De la dub-house à la techno, le DJ est tout simplement un des membres fondateurs de Midi-Deux.

Jean-Baptiste Gandon       

 

Entre l’after et le before, les concerts Midi-Deux et les soirées Midweek, l’on se dit que les ambassadeurs des musiques électro n’ont pas de temps à perdre. Sans doute parce que le moulin de la musique techno va plus vite que les autres.

 

Plutôt porté sur un style house volontiers deep, l’association Midweek se crée en avril 2012 pour participer à l’immense élan collectif pour la reconnaissance des musiques électroniques à Rennes. Son terrain de jeu : les jours en friches, tous ces temps morts comme le dimanche, ou le mercredi. Elle a un temps visé le Bar’hic, haut lieu de la nuit rennaise, mais c’est au Pym’s, désireux d’enraciner son image de club dans le paysage, qu’elle pose ses platines.

Le mercredi, c’est rave, donc. Et avec le temps, l’événement du milieu de semaine pourra avoir lieu tous les jours de la semaine, notamment le samedi, à l’Antipode MJC. Est-ce parce que les quatre membres fondateurs de Midweek portent tous des lunettes ? De générations différentes, ils ont en tout cas le compas dans l’œil pour dénicher les talents : Le Loup (Hold youth/Wolf + Lamb) et Jef K (Silver network) ont notamment embrasé la 1ère Midweek. « La scène rennaise est en train d’exploser, il y a de plus en plus de collectifs qui se créent », déclaraient-ils à l’époque. Il est vrai que le mois d’avril 2012, à Rennes, c’était : Carl Craig à l’Espace, la 2e Midi-Deux, la 4e Crab Cake, une autre Fake party, sans oublier les cousins d’Open fader et de Twisted session.

Tous les deux mois, l’association fait durer le plaisir en rallongeant le format des soirées jusqu’au bout de la nuit. Seul souci majeur, l’interdiction d’entrée faire aux mineurs…

 

Retrouvez Midweek sur fb

JBG

ELECTRO EN ÉBULLITION

Repéré pour les fameuses Twisted sessions, le collectif Ébullition fait de Rennes un trait d’union entre Londres et Berlin. Une nouvelle étape à platines pour les clubbers.

Certains Rennais ont peut-être eu la chance d’assister aux « Twisted sessions » de septembre 2015. C’était à… Pula, en Croatie, où la launch party made in Rennes avait l’honneur d’être invitée par le festival Outlook. Une manière de dire que l’électro rennaise s’exporte aussi bien par ses musiciens que ses ambassadeurs.

Idée germée dans un cerveau en Ébullition, les « Twisted sessions » sont la principale marque de fabrique de ce collectif de bénévoles.

Importé à Rennes en 2007, la formule est le fruit d’une collaboration avec des collectifs de Londres, Berlin, et Mannheim. La formule ? Un mélange d’artiste internationaux confirmés et de talents issus de la scène locale, mais aussi une réelle exigence sur l’habillage visuelle des soirées, la plupart du temps confié à des créateurs rennais (Vdrips, Ivory 3D, VJ Bros…).

Les Twisted sessions ont passé le cap de la dizaine, et chaque concert a été un succès. Que demander de plus ?

www.ebullition.org

 

SILTEPLAY, LA BONNE FORMULE

Créée en 1995, le collectif house-techno Silteplay n’est donc pas né de la dernière pluie. L’écurie de l’incontournable DJ Azano voue naturellement un respect filial aux pères fondateurs de Détroit et autres creusets de la musique techno : Jeff Mills, Carl Craig, Manu le Malin, Laurent Garnier… Un casting de rêve digne des mémorables soirées Planètes des TransMusicales, noteront les observateurs. Mais le crew rennais cite aussi les ambassadeurs new-wave Front 242 et Trisomie 21, et se réclame de l’orthodoxie. Chez Azano, l’habitué des scènes de Rennes et d’ailleurs, on ne joue qu’avec des vinyles. Les Rennais lui en sont gré et disent merci à Silteplay.

Retrouvez Silteplay sur Fb et soundcloud

 

DKDENCE FAIT DANSER LA TEK

Organisateur de soirée et ardent promoteur de la scène locale, ce collectif créé en 2006 compte notamment dans ses rangs les DJ’s : Xïba, Avrel Tek, Oliv-1, k-mill, fredo-dido… Un drôle de manège au Chantier et chez les autres bonnes adresses rennaises.

Retrouvez DKDENCE sur fb

 

DECILAB. Éclectisme, croisement, diversité… Des mots clés pour comprendre l’esprit Decilab, à l’origine des fameuses « Crossfader sessions ». Depuis 2014, cette association abritant des DJ’s (Kong, Evitearc,…) explore la musique électro sous toutes ses cultures : hip-hop, nu-disco, future basse… Decilab cite Canblaster et Teki Latex comme idéal synthétique et syncrétique. Son ouverture a même convaincu le patron du Mondo Bizarro, sanctuaire punk-rock rennais, d’oser l’aventure électro. Outre les cross sessions, Decilab organise des soirées Bazar et Distillerie, et attire régulièrement les grosses pointures telles Ekali, venu spécialement de Vancouver pour mettre le couvert électro.

 

IT’S A TRAP. Vieille de moins d’un an, cette jeune association s’impose déjà comme l’ami public n°1 de l’afro beat. Un jeudi par mois, au 1988 Live club, le crew se propose de mettre le style trap à l’honneur. Les trappeurs traquant le trap risquent d’être bien attrapés.

 

OPEN FADER. Les Rennais La Denrée, Darijade, Modul Club, l’anglais Ben Pearce… Pour ses 10 ans, fêtés en avril 2016 à l’Ubu, Open Fader avait mis les petites platines dans les grandes. Une jolie manière de rappeler que l’association pionnière fait depuis 2006 le bonheur des clubbers, de la deep house à la techno en passant par la house de qualité.

 

RAW. Avec le street artist Mioshe comme designer attitré, Raw ne pouvait pas passer inaperçu. D’autant que depuis l’hiver 2011, le crew du cru peut s’enorgueillir de programmer le nec plus ultra électro. Cela a commencé avec La denrée et Ringard, aujourd’hui DJ résidents. Ça a continué avec des exploits retentissants, à l’image de la « Rawpenair » tenue au Jardin moderne à l’automne 2014 : 16 artistes, 2 scènes, 12 heures de musique non stop. Le smiley peut continuer de sourire, car le manège aux DJ’s ne semble pas près de s’arrêter.

 

SILENT KRAFT. Samedi 28 mais 2016, l’Antipode MJC affichait complet pour les deux ans de Silent Kraft. Aux platines, Lake Haze et son DJ set surprenant, Legowelt music et son live percutant ont permis de mettre quelques points sur les « i » : chez Silent Kraft, le silence est d’art, et peut aussi être bruyant.

 

SIZE. Née en 2009 à l’occasion d’une d’une soirée S au Jardin Moderne, l’association Size n’entend pas seulement proposer des programmations musicales, mais voit plus loin en travaillant jusqu’à l’univers des soirées : vidéo, déco, son, lumière… Rien n’est laissé au hasard pour des événements sur mesure. King size, même, les événements.

REMIX DE PEINE 

 Et non, la musique, ce n’est pas toujours que des notes, mais aussi parfois de l’image, des touches de couleur, du graphisme ou de la lumière… À Rennes, une structure de production-diffusion nommée Avoka plaide pour cette très bonne cause. Le verdict ne tarde pas à tomber : remix de peine.

Dédié à la musique dans ce qu’elle comporte de plus transdisciplinaire, le collectif Avoka s’est déjà fait un nom dans le landernau rennais, et au-delà. La preuve en est : Jesse Lucas, l’une des plus belles signatures du v-jaying rennais, en fait partie.

Son et lumière 2.0

Avec Erwan Raguenes, sous le nom de Sati, il imagine des aventures  audiovisuelles nous baladant entre nature et monde urbanisé. Rien à voir avec le style « jungle », mais plutôt avec une electronica ambiante ou une techno minimaliste. L’approche est cinématographique, toujours en immersion, et donc non soupçonnable d’être iconoclaste. Autre artiste membre de la structure de production-diffusion comptant une quinzaine de performances au catalogue : Iduun, Transforma, Yro…

En affichant clairement son soutien à ces performances et à ces installations avant-gardistes, et en mettant D-jaying et V-jaying sur un même pied d’égalité, Avoka se fait le héraut d’une nouvelle ère pour les musiques actuelles… Il y a eu l’âge dur du punk, épique et dépouillé, une époque musicale de bric et de broc où il n’était même pas besoin de savoir jouer pour monter sur scène. Les temps ont changé et la musique s’écoute aujourd’hui aussi avec les yeux. L’hiver sera show !

www.avoka.fr

JBG

2 octobre 1987 – 20 novembre 1997. Dix damnées années de musique à l’Ubu, cinq cent concerts au bas mot : de Noir Désir aux Pires, le petit club rennais verra la vie en rose, offrant le meilleur de la scène internationale à ses visiteurs. « Les années 90 à l’Ubu, c’était systématiquement trois lives par semaine, les jeudi, vendredi et samedi », en souffle encore Jean-Louis Brossard. Le programmateur de l’association ATM se demande sûrement comment lui-même et sa petite équipe de technos réussirent à tenir l’infernale cadence.

« Hormis quelques salles parisiennes, nous étions la seule scène où la jeunesse française avait l’occasion de pouvoir écouter de la musique qui ne soit pas de la variété. C’était l’époque où l’on venait de Nantes ou de Saint-Nazaire pour voir Johnny Thunders ou Maceo Parker. Surtout, l’Ubu avait sa propre équipe de techniciens et garantissait un vrai son aux groupes programmés. » Loin d’être usurpée, cette réputation ne tardera pas à faire le tour des caves de répétition de l’Hexagone : « nous sommes très vite devenus potes avec la grande majorité des groupes français. Ces derniers savaient qu’à l’Ubu, les premières parties étaient traitées avec le même respect que les têtes d’affiche. »

 

Buena Vista Social Ubu Club

Refaire ces dix années de concerts à l’Ubu, cela revient un peu à vouloir uniformiser les six faces d’un Rubik’s cube, mais avec neuf couleurs. De 1987 à 1997, le club fera en effet feu de toutes les voix et tendances musicales, un don d’ubiquité se révélant tel un palimpseste sur les pages jaunies de l’agenda de l’époque. Un exemple puisé  dans l’année 1989 : The Inmates le 16 mars, The Legendary Pink dots le 17, Doctor John et Bill Pritchard le 18, My Bloody Valentine et Happy Mondays le 22, Noir Désir les 24 et 25… Qui dit mieux ?

Les anecdotes fusent, aussi légères qu’éphémères, mais nombre de relations d’amitié solides comme le rock, se noueront également dans les coulisses de l’Ubu. Avec Noir Désir, par exemple : « je me souviens qu’on a fait une photo avec eux. Elle est d’ailleurs toujours sur mon bureau. » On retrouvera d’ailleurs Cantat et consorts à de nombreuses reprises sur le devant de la scène rennaise, mais aussi dans la fosse, comme simples spectateurs. « Ils faisaient partie des cinquante personnes à assister au premier concert de John Spencer Blues Explosion. »

De la scène punk rock à la fameuse horde brit’pop en passant par de nombreuses soirées blues, les groupes d’horizons les plus divers ne cessent de se croiser, transformant l’Ubu en lieu de tous les possibles. On y apercevra notamment Théo Hakola, d’Orchestre rouge, en pleine discussion avec les membres de Sloy, alors domicilié à Rennes… dans un camion. Ou Érik Marchand monter sur scène pour improviser un bœuf avec les Albanais de la Famille Lela de Permet. En février 88, Jean-Louis Brossard décide de modifier l’ordre de passage des groupes initialement prévu, et intercale le Rennais Dominic Sonic entre Biff Bang Pow et Momus. « Les deux autres groupes anglais étaient sur le label Creation, et je voulais faire en sorte qu’Alan Mc Gee, son boss, assiste au concert de Dominic. »

En quinze jours, courant octobre 1993, Magic Slim and The Teardrops, James Taylor quartet, Nova Nova, That Petrol émotion, Blur, Dominique A et FFF se passent successivement le témoin. Pour la Fédération Française de Funk, le tout Paris vient chercher Marco et sa bande. C’est Epic qui tirera finalement son épingle du jeu et les signera le soir même.

Souvenirs, souvenirs… Rappels, rappels. Groupe cher à l’équipe de l’Ubu, Yargo reviendra six fois sur scène. « Les groupes étaient tellement satisfaits par les conditions techniques qu’ils n’hésitaient pas à faire du rab. Les soirées à l’Ubu, c’était un tout. Il y avait un DJ, Gégé à l’époque, qui assurait l’entrée en matière. Et les choses ne s’arrêtaient pas à la fin du concert, le club ne fermait pas, on pouvait donc rester pour discuter. Il y avait un côté très humain dans tout ça. » Très humain, malgré quelques regrettables et vilains jeux de mains. Le concert des Happy Mondays, par exemple, qui tournera court : « ils ne respectaient rien ni personne. Leur live a très vite dégénéré, et cela a fini en bagarre générale. Je crois qu’ils ont été longtemps placés sur la liste noire des scènes françaises suite à cela. »

You be you at the Ubu. Floqué sur les tee-shirts portés fièrement par les aficionados de la petite salle rennaise, le slogan résume assez bien ces dix années de Folies rennaises, pour reprendre le nom d’un autre festival qui connut à l’époque son heure de gloire. Un âge d’or où Jean-Louis Brossard n’hésite pas à aller chercher le son dans les plus petites niches musicales. « Je me souviens de Troy Turner, un artiste énorme, quelque part entre Stevie Ray Vaughan et Jimi Hendrix. Ce mec collectionnait les chaussures, et quand nous sommes allés le chercher à la gare, il en avait une valise entière ! » Ignorant les coups de pompe, le programmateur de l’Ubu n’hésitera pas à se mettre à genoux devant John Mayall pour avoir droit à son petit Walkin’ on the Sunset. «Ce mec était étrange… Nous n’avions pas le droit de toucher à ses instruments, il lui fallait des glaçons en permanence, et aussi deux chapons grillés dans sa loge. Au moins, cela signifie qu’il se renseignait avant sur les us et coutumes locales. » À propos de planter les choux à la mode de chez nous, il y eut les Washington Dead Cats « qui balançaient des poireaux sur le public. » Les gays Belges du groupe électro A ! Grumh, eux, « c’était de la viande ». Les fameux pavés… de rumsteack !

Pour finir sur les plus belles notes de musique, rappelons que nombre de groupes, parmi lesquels The Tindersticks ou Calvin Russel ont donné leur premier concert dans la salle rennaise. Dix ans pendant lesquelles Jean-Louis Brossard nous donna rendrez-vous avec les légendes passées et les gloires à venir. « Aujourd’hui, à l’heure où les complexes fleurissent comme des champignons, l’Ubu est resté le même. Dirons nous comme un ultime clin d’œil…

Jean-Baptiste Gandon

 

D’ordinaire dans l’ombre du studio d’enregistrement, Antoine Chabert, alias Chab, s’est retrouvé en pleine lumière en 2014 grâce aux Grammy Awards. Le Vezinois d’adoption a été récompensé trois fois pour le mastering de l’album de Daft Punk porté par le tube planétaire « Get Lucky ».

 

Pas simple de définir sa fonction. « Il n’existe pas de traduction française, explique Chab. Les Anglais disent masterer, mais masteriseur ce n’est pas beau. » Va pour ingénieur du son, bien qu’il ne participe pas directement à l’enregistrement de l’œuvre. Il intervient entre le mixage et le pressage du disque, afin que les titres soient écoutables sur tous les supports (CD, vinyles, radios, smartphones…). « C’est un travail d’équilibriste sur les graves, les aigus, le volume, la dynamique d’un morceau. Je suis censé corriger les défauts. » Des défauts infimes inaudibles au novice. « Au début, moi-même je n’entendais pas la différence lorsqu’un ingénieur tournait un bouton. Puis l’oreille se forme, s’affûte, comme un muscle. Même si on a des prédispositions pour faire ce métier. »

 

Titulaire d’un BTS audiovisuel, spécialité son, Chab est venu par hasard au mastering. Musicien par passion, il s’affaire derrière la console du groupe Playdoh en parallèle à ses petits boulots. Puis se fait embaucher en janvier 2000 à Translab, important studio parisien. Premier « gros boulot » et première réussite (« Angela » de Saïan Supa Crew). Bouche-à-oreille et confiance avec l’équipe artistique font le reste. Parfois le producteur, l’ingé son ou l’artiste (« Daho et Cantat viennent tout le temps ») assistent au mastering. « Il faut être à l’écoute. » Surtout lorsqu’on touche à tous les styles, de l’électro à la chanson, du rock à la variété. « Je ne sélectionne pas. J’aime changer. Florent Pagny n’est pas ma musique de prédilection mais je suis content de le faire. »

 

Grammy Awards : 3, Victoires de la Musique : 0

Avec Daft Punk, la rencontre s’est faite sur un autre registre. « Ils travaillaient sur la BO du film Tron dans un studio voisin. On s’est prêté du matériel et en échangeant nos impressions une relation humaine s’est créée. » Ils ont fait appel à lui pour leur dernier album alors qu’il avait déjà été masterisé par l’américain Bob Ludwig. « Une figure mythique ! C’était délicat mais ils estimaient qu’il avait trop respecté les mix. Les Daft Punk sont très pointilleux mais ils ne mettent pas la pression. On a le temps. J’ai dû y passer une dizaine de jours alors qu’il en faut un ou deux d’habitude. »

Pour la cérémonie des Grammy à Los Angeles, Daft Punk avait convié tous les techniciens. Chab est monté sur scène récupérer les statuettes. « Je me retrouve sur les photos officielles car les autres préparaient le live avec Pharell Williams, Nile Rodgers et Stevie Wonder. » Ces récompenses ont accru sa notoriété hors de France. Désormais dans ses propres locaux, assisté de deux employés, Chab est à bloc. La semaine en studio à Paris, le week-end en famille à Vezin-le-Coquet. Un transfert du studio à Rennes est envisagé à terme, « mais c’est trop tôt. Paris est encore une plaque tournante ». Sauf pour les Victoires de la Musique, qui ne daignent toujours pas célébrer les techniciens.

 

Eric Prévert

http://www.chabmastering.com/

Organisé par l’association Skeudenn Bro Roazhon depuis une bonne quinzaine d’années, le festival Yaouank met le feu chaque automne avec une série de concerts de musiques actuelles bretonnes dans la métropole rennaise. Et un gigantesque fest-noz de clôture qui rassemble des milliers de danseurs au hall des expos. Retour sur l’édition 2010 avec le groupe Red Cardell. @TVR/2010

En juin 2005, les Trans s’envolent pour la Chine, avec dans leurs bagages des groupes et artistes qu’ils vont faire découvrir pendant deux jours de concerts en plein air au public chinois… tenu à bonne distance de la scène par les autorités. Une véritable aventure, sous haute surveillance policière, pour le festival rennais habitué à des ambiances plus débridées… @tvr/2005

En juin 2015, l’Opéra de Rossini « La Cenerentola » (Cendrillon) était joué à l’Opéra de Rennes et retransmis en vidéo et en direct dans une dizaine de villes de la métropole et de Bretagne ainsi qu’à Jersey. C’était la quatrième édition de « L’opéra sur écrans », une opération qui permet à l’opéra de Rennes de sortir de ses murs et d’être le support d’innovation numériques dans le domaine de l’image et du son. @TVR/2015

Le roi est fort, vive le roi ! 4e album solo pour Robert le Magnifique, apôtre d’une électro bien dans ses pompes. « Fuck the Hell, yeah ! », donc. Nous dirons même plus : funk the hell, yeah !

 Exit les poupées rusées de « Kinky Attractive Muse » (2004), exit les beats musclés de « Oh yeah baby » (2008), bienvenue dans le nouvel Eden de Robert le magnifique. Un paradis volontiers vintage mais pas démodé pour deux sons et comme à son habitude humble et modeste.

« Bob » nous avait déjà habitué au grand écart entre musique contemporaine (« Hamlet ») et hip-hop (avec le groupe Psykick Lyrikah). Le bassiste et compositeur alençonnais récidive cette fois en faisant dialoguer les instruments traditionnels et les bruits du quotidien mixés à la bonne vieille MPC. Le chevalier sampler fait cohabiter Carpenter et Tati, boîte à musique de bébé et scie radiale… Royal, Robert a puisé dans le dictionnaire des sons communs la matière première d’une électro débarrassée de ses oripeaux artistos.

Ça déconne pas mal dans « Fuck the Hell, yeah ! », et on s’étonne de tant de trouvailles. On sautille et on s’émoustille. Nous parlerons quant à nous de Robert le Magnifique comme d’un bricoleur génial capable de faire du vieux avec du neuf, à l’image de la ritournelle inaugurale de « The Good old days » nous rappelant au bon vieux tempo du bontempi. La posologie exacte de ce remède anti morosité ? Un tiers d’électro à loustics, un tiers de post rock et un tiers de jeux vidéo…, le tout plongeant dans un bain-marie bien marrant, un maelstrom funky groovant et jamais grave. Bref, Bob a bien mérité sa couronne.

Robert le Magnifique. Fuck the Hell, yeah ! www.yotanka.net. www.robertlemagnifique.com

JBG

Trans Musicales, Travelling, Mythos, Route du Rock, Vieilles Charrues, Art Rock… et même le Stade de France. Depuis deux décennies, le rennais Didier Verneuil arpente coulisses et scènes comme régisseur technique.

« Quand t’arrives au fin fond du Mexique et que t’as que trois projos, faut te démerder ! » Souvenir d’une tournée avec la compagnie théâtrale Fiat Lux où Didier Verneuil officiait parallèlement à ses débuts à l’Ubu en 1994. « Un pote éclairagiste m’avait refilé le plan. » Débrouille, réseau, mobilité, adaptation, réactivité…, les qualités du technicien sont posées. Les mêmes qu’aujourd’hui, la professionnalisation en plus. « Finit le système D à l’ancienne. Tu ne peux plus bidouiller. Le matériel est de plus en plus sophistiqué et demande des formations poussées. Avant, un éclairagiste montait régler un projecteur, maintenant on embauche un ingénieur réseau car il y a une prédominance de l’informatique et des signaux. La technique devient une industrie, comme dans le cinéma. »

C’est d’ailleurs vers le 7e Art que Didier Verneuil voulait d’abord se diriger. Après des études scientifiques (Bac D, DEUG de Physique-Chimie), il échoue au concours d’entrée de l’école Louis Lumière, puis devient bénévole au festival Travelling. Assistanat puis remplacement du régisseur général, rencontre avec les techniciens de l’Ubu et du TNB alors que Travelling s’y déroule. Il travaille aussi sur quelques courts-métrages. De films en aiguille, de stages en contrats aidés, Didier Verneuil est embauché à l’Ubu.

Des Trans au Stade de France

Au fil des Trans Musicales, il prend du galon, passant de l’Ubu au Liberté puis à la direction technique du Parc Expo. La Route du Rock, les Vieilles Charrues, Art Rock… font appel à lui. En 2007, il quitte les Trans puis travaille un an au Stade de France. Bienvenue à Madonna ou à U2 et ses 80 semi-remorques ! « A la base c’est le même boulot, mais les moyens sont démesurés. » L’expérience est enrichissante mais les trajets Paris-Bretagne sont compliqués, d’où retour à Rennes en 2009. Avec des collègues régisseurs, il crée la société Four Everything afin de « diversifier les activités : événementiels, prestataire local pour les tourneurs extérieurs… ».

Chargé de l’organisation logistique des concerts (son, lumière, vidéo, effets spéciaux, structures…), Didier Verneuil évolue entre bureau et terrain. Avec beaucoup de négociations car les groupes sont de plus en plus exigeants techniquement (« c’est le live qui les fait vivre ») et le matériel évolue sans cesse. « En 2013, Disclosure jouait à la Route du Rock avec un demi-camion ; cette année aux Charrues ils avaient quatre semi-remorques ! Mon travail consiste à dimensionner les équipes en fonction de ces nouvelles donnes. » Les coûts sont exponentiels chaque année mais les budgets sont tellement serrés qu’il faut parfois faire appel aux bénévoles. « Ou alors les places seront à 150€ par jour comme en Angleterre. Les festivals devraient placarder les chiffres des recettes et des dépenses à l’intention du public ! »

Eric Prévert

Hier disquaire de Rennes visionnaire, Hervé Bordier est aujourd’hui le programmateur du festival Rio Loco à Toulouse. Le créateur des TransMusicales y a élargi son horizon rock aux musiques du monde. Interview croisée entre hier et aujourd’hui, le nord et le sud.

1 / Votre parcours est long, mais pouvez-vous tenter un résumé ?

Mon histoire a commencé à Rennes, dans le courant des années 1970. J’ai été embauché à Disc 2000, un magasin spécialisé dans la musique américaine et anglaise, même si le créateur de la boutique venait plus du jazz et de Saint-Germain-des-Près. Quoiqu’il en soit, Disc 2000 est devenu le bastion de la ville, toute la jeunesse rennaise y défilait, et c’est comme ça que j’ai rencontré mes futurs partenaires des TransMusicales.

De fil en aiguille, j’ai commencé à organiser des concerts. Le premier, c’était Alan Stivell en 1971, pour la sortie de son premier album solo. Ça se passait au Régent, un cinéma de la rue Papu. Tiens, cela ne s’invente pas, voilà Glenn Jégou (le monsieur musique bretonne de Rennes, ndlr) qui essaye de me joindre, il a du entendre le nom d’Alan Stivell…

2 / Et donc ?

J’ai continué à organiser des concerts. J’ai monté une association, Terrapin, en hommage à Syd Barrett. Il y avait déjà une vraie scène musicale à Rennes dans les années 1970. Il s’agissait surtout de groupes de bal qui faisaient des reprises de standards du rock. Les TransMusicales ont été créées pour donner une scène à ces groupes-là. Dans ma tête, il s’agissait d’une édition « one shot », sans lendemain, mais un article dithyrambique écrit par un journaliste de Libé a changé l’histoire des Trans… Je suis monté à Paris où j’ai rencontré les groupes des éditions suivantes : Théo Hakola, Mona Soyouz (Kas Produkt) ou Stéfan Eicher sont devenus des compagnons de route du festival.

Il est important de noter que l’équipe des Trans a été bénévole jusque dans les années 1990. Je suis précisément revenu à Rennes pour mettre en place l’association TransMusicales, en 1990. 1990 est une année très importante dans l’histoire des TransMusicales.

3 / Et après Rennes ?

J’ai été directeur de l’Aéronef à Lille, puis responsable national et international de la fête de la musique. Je suis arrivé à Toulouse en 2011 pour participer à la création du Métronum, une mini salle de la Cité, ou plutôt un mix entre les missions du Jardin Moderne et d’A.T.M (association TransMusicales). Je tiens beaucoup à cette vision de lieu partagé, et je ne suis toujours pas convaincu par le format Smac et la pensée unique.

Enfin, je suis depuis 2011 le programmateur du festival de musiques du monde Rio Loco.

4 / Entre la ville rock et la ville rose, votre cœur balance ?

 Il y a également une grande diversité à Toulouse, à l’image de ses nombreuses associations organisatrices de concerts. Chacune des deux villes a sa propre histoire. Celle de Rennes est très influencée par les années 1980, les TransMusicales et l’Ubu. À Toulouse, il y a l’empreinte de Claude Nougaro et de Zebda, le rôle de premier plan de la salle le Bikini… Surtout, c’est une ville qui sait se réinventer. Pour parler du présent, toute une scène a émergé sur les rives de la Garonne depuis 3 ou 4 ans. Je n’ai pas l’impression que Rennes soit en capacité artistique de sortir de nouveaux groupes. Comme si la ville était prisonnière d’une certaine nostalgie. Moi, je m’en suis échappé en 1995.

5 / Est-ce difficile de passer des TransMusicales à la Fête de la musique ?

Bien au contraire, organiser la Fête de la musique m’a appris l’intérêt général, et aussi à réfléchir sur les frontières entre musiques amateures et professionnelles. Et je ne suis pas peu fier d’avoir organisé cet événement « so french » à New-York. Rétrospectivement, je constate que j’ai toujours fait mes choix de carrière en fonction de critères comme le partage, le passage, la transmission… Des notions présentes dans l’appellation TransMusicales, un nom que j’ai moi-même trouvé.

6 / Quelques mots sur l’édition 2016 de Rio Loco ?

J’en suis le programmateur depuis 2011, mais le festival a déjà 20 ans. L’urbain que je suis n’a pu qu’être fasciné par son site sublime : des prairies situées en plein centre ville ! En tant que programmateur, j’ai abordé la lusophonie, les Antilles et les Caraïbes. Pour boucler la boucle avec Alan Stivell, l’édition 2016 nous a emmené à la rencontre des mondes celtes. À l’affiche également : le Rennais Olivier Mellano pour son projet « No Land » avec Brendan Perry (Dead Can Dance et le bagad de Cesson-Sévigné), les Bretons Miossec, Patrick Molard, Denez, Erik Marchand & Bojan Z… Un grand mix entre tradition et modernité, entre occitanie et celtitude.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Gandon

BARBAR ADOUCIT LES MŒURS

Créé en 1999, le collectif Culture BarBar a largement infusé le territoire national, et compte aujourd’hui quatre-cent adhérents. À Rennes, vingt-cinq cafés se concertent au quotidien pour « vivre la musique en intelligence ».

« Aux bars, les citoyens ! » La devise colle parfaitement à la philosophie « Culture BarBar ». Créé à l’aube de l’an 2000, le réseau national existe précisément pour mettre les gens autour d’une table et leur permettre d’échanger autour des questions de diffusion artistique. Avec, en toile de fond, les problèmes de nuisance sonore et du vivre ensemble. « L’idée est aussi de donner du poids à nos messages, avance Guéno, le boss du Ty Anna et du Bar’hic. Plus nous sommes nombreux, plus celui-ci porte. »

Les cafés (se) concertent

Le collectif compte aujourd’hui 400 adhérents à l’échelle nationale, et à Rennes, pas moins de 25 patrons de bars ont décidé de rejoindre l’antenne locale du mouvement. « Petit à petit, notre travail porte ses fruits. En face de nous, les élus et autres partenaires institutionnels prennent conscience que les cafés concerts, ce n’est pas que du bruit et des embrouilles, mais aussi de l’emploi direct et des artistes en devenir. »

Plus récemment, le GIP café culture a vu le jour. « L’idée vient du collectif Culure Barbar, mais le dispositif est piloté par l’État et les collectivités locales. Pour prendre l’exemple Rennais, la ville subventionne le GIP à une certaine hauteur (environ 20 000 € en 2015). N’importe quel bar adhérent (c’est gratuit) et en règle avec la législation, peut ensuite puiser dans ces fonds pour organiser des concerts. »

Autre point positif du dispositif : « plus les musiciens sont nombreux dans le groupe, plus le montant de l’aide augmente. »

Vingt-cinq adhérents, c’est beaucoup non ? « Nous arrivons pas loin derrière Lille et Toulouse. Peut-être parce que les bistrotiers de notre ville ont déjà de la bouteille avec l’expérience de la Fédération des petits lieux de spectacle. »

« Certes, il y a les problèmes d’alcoolisation massive, le manque de curiosité croissant du public vis à vis des concerts, le climat social… », mais ce n’est pas une raison de broyer du noir ou de noyer son chagrin dans l’alcool. « Les patrons de bar ont désormais une voix et celle-ci est entendue. » BarBar Rennes a notamment participé à l’écriture de la charte de la vie nocturne, et attend beaucoup de la création du conseil de la nuit. Trop discrète, comme action ? Que les sceptiques se rassurent, le collectif fait son festival national en novembre, avec un gros crochet par Rennes. Une autre façon de se faire entendre, et aussi de dire que ces invasions BarBar font le maximum pour adoucir les mœurs.

Festival.bar-bars.com / bar-bars.com

JBG

 

DE BONNES VIBRATIONS

Des compilations concoctées par Radio Campus Rennes 88.4 à celles de l’Antipode MJC, les oreilles rennaises en coin sont particulièrement chouchoutées.

Pour Radio Campus Rennes, on peut parler de 9 ans de réflexion. Au sens de reflet, ou de miroir de la créativité locale. Ainsi, depuis 2008, la radieuse radio étudiante ne campe pas sur ses positions et s’en va fureter sur les plates bandes des musiques émergeantes. Le fruit de ses recherches se concrétise dans des petits trésors téléchargeables gratuitement. Au menu des 8e Vibrations électriques, par exemple, dix-huit groupes hétérogènes, dont : Kaviar Special, Columbine, Darjeeling speech, Fat Supper… Vous voulez savoir de quoi sera fait demain ? La madame Irma des musiques actuelles vous attend au 88.4 !

www.radiocampusrennes.fr

L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE FAIT SES GA(M)MES

Quand les rois de l’archer rencontrent les virtuoses du joystick, cela débouche sur Vidéo Live Games, un concept de concert développé par Tommy Tallarico. Le compositeur le plus prolifique de B.O de jeux vidéos, était présent fin novembre 2016 pour la grande occasion.

Le thème de « Pac-Man », c’est lui. Les ritournelles de « Zelda » et de « Mario », aussi… C’est simple, Tommy Tallarico est chaque jour présent dans des millions de salons, aux quatre coins du monde. Le compositeur fou a signé pas moins de 300 titres de jeux vidéo, avec cinquante récompenses à la clé.

 

Tragédie geek

Fin novembre, au Liberté, il était présent en chair et en os, mais aussi en pixels et en décibels, à l’occasion de la première édition du concert OSL #1, proposé par l’Orchestre Symphonique de Bretagne en partenariat avec l’association rennaise hyper-active, 3Hit Combo.

Le guitariste Tommy Tallarico, les musiciens de l’OSB et un chœur ont repris à l’unisson les célèbres bandes sons qui accompagnèrent et accompagnent encore nos épopées héroïco-ludiques : les chevauchées épiques de Final fantasy ; les cavales gloutonnes de Pac-Man ; les batailles sanglantes de Metal Gear Solide ; les glissades acrobatiques de Tony Hawks…

Quand la grande musique rencontre l’art vidéo ludique, cela donne un concert alliant l’énergie du rock à la puissance lyrique d’un orchestre symphonique, l’interactivité et le divertissement en prime.

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TRENTE SIX CHANTS D’ELLES

Passionné par les voix de femmes, Alain Surrans l’est au point d’animer une émission de radio – les Porte-Voix – sur France Bleue Armorique. Au point également de leur consacrer chaque année un cycle à l’opéra de Rennes.

Ce sont des femmes du monde, mais pas un monde aseptisé, globalisé et uniformisé. Non, un monde dans toutes ses spécificités et dans toutes ses langues. Bref, dans toute sa différence.

Des voix de femmes, le directeur de l’opéra de Rennes Alain Surrans en est fan au point de leur consacrer chaque saison une programmation spécifique intitulée « Divas du monde ». Chez lui, la corde sensible est donc vocale et féminine.

En 2015, les mélomanes ont pu vibrer en découvrant des wonder women venues des quatre vents : l’Espagnole Béatrice Uria-Monzon ; le chant soufi des femmes de Mayotte ; la Grècque Katerina Papadopoulou…

 

www.opera-rennes.com

 

Les disquaires indépendants résistent

 Il y a 30 ans, ils étaient près de 3 000. On en recense moins de 400 aujourd’hui en France. Qui trouvent cependant une nouvelle notoriété grâce au regain du vinyle et à la manifestation Disquaire Day. Hormis Paris, Rennes est la ville qui compte le plus de disquaires par habitant. Tour d’horizon de ces irréductibles qui creusent leurs sillons malgré tout.

 

Rockin’ Bones (7 rue Motte Fablet)

Quand on lui demande ce que ça fait d’être l’ancêtre des disquaires rennais (2000), Sébastien Blanchais se marre : « Ça fait peur ! ». Puis, il tempère : « Ça prouve que je ne me suis pas planté sur l’orientation de mon magasin. Tout le monde faisait du CD, moi j’aimais le vinyle. » Son stock avoisine désormais les 10 000 pièces (pour un millier de CD’s) rock’n roll, blues, soul, garage, rockabilly, ska… « Je connais mes disques sur le bout des doigts. » Ni esbroufe, ni prétention chez cet authentique passionné que ses potes surnomment Boogie. Musicien (Head On, Dead Horse Problem), fondateur du label Beast Records, organisateur du Binic Folk Blues Festival, Seb est toujours sur la brèche. « Si tu veux faire des thunes, bouge toi le cul ! Je suis tout seul, ça m’a permis de tenir. Je vis confortablement, mais je bosse 7 jours sur 7. C’est compliqué. Il faut sortir, faire le lien avec les gens. A chaque concert, j’emmène des bacs des skeuds. Je n’ai pas pignon sur rue, mais j’ai des clients fidèles. » D’ailleurs, quiconque est allé dans son antre sise au fond d’une cour invisible de la rue n’a qu’une envie : y revenir.

 

Les Troubadours du Chaos (48 rue Saint-Malo)

Dix ans d’activité, mais l’humeur est maussade. Pas envie de fêter cette longévité. La vitrine est calfeutrée en noir, constellée de slogans « gentiment politisés », dixit le gérant Laurent Fresneau. La faute aux travaux de voirie et au chantier de la place Sainte-Anne. Les passants sont comme peau de chagrin. Et impossible d’envisager un déménagement à cause du coût du pas de porte. Après plusieurs années d’itinérance dans les festivals, les conventions de collectionneurs, les foires aux disques, le parisien se réjouissait pourtant d’implanter à Rennes son commerce original : disques d’occasion (2/3 vinyls, 1/3 CD’s) et vêtements rock’n roll. « Un bon compromis, plus pratiqué à l’étranger qu’en France. » Punk, gothique, coldwave, indus, psycho, rock français 80’s…, toutes ces pépites seront-elles prochainement cantonnées à la VPC sur internet ?

 

Blind Spot – Les Angles Morts (36 rue Poullain Duparc)

« Si je discute avec un directeur de start up, il ne dit pas que ça marche, confie Pierrot, l’un des deux piliers de Blind Spot. On vient d’arriver au Smic cette année, pour 60 heures par semaine ! » Huit ans après leurs débuts, Pierrot et Fred sont pourtant toujours aussi accrocs. « Rennes Musique venait de fermer. Personne n’y croyait. » Ils ont racheté les meubles de  Rennes Musique et monté leur boutique de vinyls exclusivement (2/3 neuf, 1/3 occasion). « A l’époque, on galérait pour avoir des neufs. Aujourd’hui, il y a tellement de trucs qui sortent… », souffle Pierrot. Rock, électro, roots…, Blind Spot se considère généraliste. « On travaille beaucoup le fonds de catalogue, alors que It’s Only est plus sur la nouveauté. Si on fait abstraction du support, ils travaillent plutôt le mainstream et nous le coup de cœur spécialisé. »  Des férus claquent des sommes incroyables pour des collectors. « 850€ pour un disque de folk gaëlique, ou 80€ pour un 45t de Depeche Mode. » Et lors du Disquaire Day, l’événement lancé en 2011 pour soutenir les indépendants, « c’est la seule fois de l’année où il y a la queue devant le magasin ! ».

 

Groove (2 rue Motte Fablet)

Le benjamin des disquaires rennais (25 ans) a ouvert son échoppe en mai 2014. Entre un kebab et un fripier, l’enseigne se remarque à peine. De chaque côté de ce long couloir, uniquement des bacs de vinyls 33 et 45 tours de « black music ». R’n’B, disco, soul, house de Chicago, techno de Detroit, funk des années 80… « Il y avait un créneau à prendre ici, explique  Philippe Fornaguera, parisien d’origine dont les grands-parents vivent à Rennes. Ces styles sont parfois dénigrés mais j’y crois, j’aime les partager. Bien que je sois conscient de connaître moins de choses que mes clients. » Le jeune homme a conclu des accords avec des distributeurs américains pour acheter des disques au kilo. Il y a parfois de la casse dans les piles qui jonchent son comptoir, mais il acquiert ainsi des pressages originaux à des prix imbattables. Comptez 1 ou 2€ pour des 45 tours !

 

It’s Only (3 rue Jean Jaurès)

Malgré un nom inspiré par un hit des Rolling Stones (« It’s only rock’n roll »), It’s Only ne se limite pas au rock. Jazz, classique, musiques du monde, chanson… constituent aussi les 10 000 références de cette boutique ouverte en août 2014 dans les anciens locaux d’Harmonia Mundi. Le CD représente 60% des ventes, le vinyle 40%. « On souhaitait un magasin de disques généraliste qui puisse s’adresser au plus grand nombre », raconte Jean-Michel Gourlay, l’un des trois associés. Lui a dirigé des labels de musique classique chez Universal ou Sony ; ses collègues Richard Dick et Jean-Noël Boulanger ont officié à Virgin Rennes. Une expérience indéniable qui ne présage pas pour autant d’une quelconque facilité. « Les conditions ont changé dans tous les métiers. Qu’est-ce qui est facile aujourd’hui ? A part piller des catalogues sur le Net ! On a fait croire aux gens que la musique était gratuite… Si le lieu existe et perdure, c’est qu’on a mis notre patte. Comme les autres disquaires avec des concepts différents. »

 

Les Enfants de Bohème (2 rue Maréchal Joffre)

Le dernier né (mars 2015) mais pas le plus novice. M. Ploquin était salarié d’Harmonia Mundi jusqu’à sa fermeture en 2013. « Ça nous est tombé sur la tête ; on ne s’y attendait pas du tout. » Après réflexion, il a décidé de replonger à une taille plus modeste sur le créneau chanson, jazz, classique, musiques du monde – majoritairement en CD. « C’est dur. On ne peut pas encore en vivre décemment, mais on tient le choc. Les gens n’ont plus l’habitude d’aller chez un disquaire. Il faut développer le bouche à oreille. » Une fois par mois, il organise donc un concert avec des artistes confirmés (Titi Robin, David Krakauer…) ou des groupes émergents.

 

Eric Prévert

 

Vent d’ouest

Voici trois groupes caractéristiques du « laboratoire rennais » qui nous font régulièrement danser depuis quelques mois. D’abord Nâtah, un groupe de musique résolument actuelle, même si ses membres sont au service de la musique bretonne à danser et de ses codes. Nâtah, c’est en effet une ouverture sur le jazz-rock, concrétisée par la création d’une section cuivre. Ce Nâtah Big Band a donné ses premiers concerts à Jazz à l’ouest et à Yaouank, sur la grande scène en fin de soirée. « Dans la version big band, nous sommes seize, tous amis, Rennais, entre vingt et trente ans » explique Clément Dallot, musicien. Autre groupe, Dawa Combo, qui comporte des musiciens communs avec le précédent mais qui se situe sur une esthétique plus funk, plus électrique. En 2015, ils sont passés à Yaouank et leur popularité s’étend. Enfin, Castor et Pollux une petite fanfare de rue qui mêle déambulation et spontanéité, classiques du répertoire traditionnel et compositions.  Bien entendu, ses membres sont sensibles à d’autres esthétiques. Ainsi Glenn Jégou résume bien la situation : « La force des musiciens rennais c’est d’avoir les pieds bien ancrés en Bretagne et la tête qui va du nord au sud et de l’est à l’ouest ! »

Didier Teste

DT

 

Skeudenn Bro Roazhon est une entente culturelle, un collectif, fondé en 1976. Son objectif est de promouvoir, valoriser et transmettre la culture bretonne sous toutes ses formes. « Nous voulons faire vivre la culture du 21ème siècle et la danse, la musique sont des vecteurs importants de notre identité. » annonce Glenn Jégou, directeur de Skeudenn. Elle rassemble 56 associations, plus de 4 000 adhérents et organise aussi Yaouank, le plus grand fest-noz de Bretagne, les Mercredis du Thabor, la Fête de la Bretagne, la Semaine du breton et du gallo… « Nous sommes l’interlocuteur des collectivités, structures, associations pour la culture bretonne à Rennes et nous favorisons les connections, les passerelles.» Elle accompagne aussi les fest-noz étudiants. Une structure  incontournable de la culture rennaise.

Skeudenn Bro Roazhon, 8 rue Hoche Rennes. Tel : 02 99 30 06 87

 

 

Agenda (non exhaustif) de la musique et danse bretonne sur la métropole.

 

Février 

Fest-noz Supélec

 

Mars 

Sevenadur : semaine de rencontres autour de la culture bretonne

Fest-noz de l’Agro

Fest’n Breizh

 

Mai

Fête de la Bretagne : Festival de toute la culture bretonne

Fest-noz Rock’n Solex 

 

Juillet

Les Mercredis du Thabor 

Fest-deiz de Transat en ville et/ ou des Tombées de la Nuit

 

Septembre 

Festival Mil Goul

 

Novembre 

Festival Yaouank

 

sans oublier les concerts donnés régulièrement aux Champs Libres

 

 

 

Aux frontières de la musique et du cinéma

Depuis 2003, Label Caravan accompagne la création de ciné-concerts à destination du jeune public. « Nous avons été parmi les pionniers », précise Valérie Tabone, chargée de communication. « Nous accompagnons les projets avec lesquels nous nous sentons en accord ». Car au-delà de la création, assurer la diffusion et la pérennité des spectacles exige de tisser des liens de confiance avec les salles, les programmateurs. Un travail de fourmi qui porte ses fruits. Ainsi « La petite taupe » créée par Ollivier Leroy en 2007 part découvrir la Chine. Dans le domaine du ciné-concert, les artistes voyagent aussi entre le monde de l’enfance et celui des adultes. Ainsi de Éric Philippon et Pierre Payan, deux des trois membres fondateurs de La Tordue. Avec « Toimoinous », qui sort en novembre, ils en sont à leur 3e ciné-concert. « Je suis heureux de travailler avec les gosses. Ils ont une écoute et une imagination beaucoup plus grandes que celles des adultes… », s’enthousiasme Pierre Payan. Les deux artistes ont un univers bien à eux, mélange de poésie et de bric-à-brac musical, qui touche les enfants comme les adultes. « On peut aller très loin avec les enfants. On s’adresse à eux d’égal à égal… Et on apprend beaucoup d’eux. »
Monique Guéguen

LA RÉVÉLATION RAVELOMANANTSOA

Brillant comme le cuivre de son saxophone ténor, Maxence Ravelomanantsoa a déjà conquis l’Europe. La révolution est en marche, une autre manière de dire que ce Maxence-là assure à max.

Ravelomanantsoa… Prédestiné, son nom sonne comme un rêve improvisé, un soir de jam session orageuse.

Chacun des concerts du saxophoniste ténor est en effet un petit coup de tonnerre. À Rennes, de dernier pleut depuis longtemps, à la Ferme de la Harpe, lors du festival Jazz à l’ouest ou encore en tant que révélation du programme Fresh sound, proposé par le festival Jazz à l’étage.

Brillant, affûté, véloce et virtuose, Maxence Ravelomanantsoa envoyait déjà des invitations au rêve musical, qu’il ne savait pas encore marcher. Pour l’anecdote, le Rennais de 27 ans chantait « So What » de Miles Davis, a  l’âge de 2 ans. Comme sa paire Laura Perrudin, le musicien est passé entre les mains de Jean-Philippe Lavergne, au conservatoire de Saint-Brieuc. Comme elle aussi, il a marqué les esprits lors de l’incontournable concours national de jazz de la Défense.

Son talent est déjà gravé dans la cire des vinyles : au sein du PJ5 ; avec Ricky Ford & The Big band ; ou encore de TWNSHP, ce groupe aux allures de fautes de frappe. Last but not least, Maxence donne actuellement les dernières touches musicales à son premier album solo.

So what ?, demanderont les septiques. Et alors, ce garçon-là a de l’or dans les doigts.

Maxenceravelomanantsoa.com                        

 

À L’OUEST, DU RENOUVEAU

Les premières notes d’ « Autumn leaves » retentissent dans l’atmosphère. Sont-ce les touches d’ivoire d’Horace Silver ou d’Ahmad Jamal, qui brillent sous la lune argentée ? Ou bien la voix lactée de Franck Sinatra ? La trompette renommée de Miles Davis, alors ? Le sax cuivré de Cannonball Aderley ou l’une des centaines de reprises du célèbre morceau de Kosma ?

Peu importe, ce qui compte, c’est que nous sommes au mois de novembre, et que les Feuilles d’automne se ramassent effectivement à la pelle du côté de la MJC Bréquigny. Né il y a 27 ans, le festival a largement atteint l’âge de faire résonner le jazz tous azimuts.

Pour reprendre la programmation de l’édition 2016, nous trouvons notamment dans le grand melting-pot bop : du funk (Out of Nola), du groove (Dr Lonnie Smith), du hip-hop afro-jazz (Tribeqa), de l’Ethiopian fusion (Arat kilo), du blues (Hugh Coltman) et bien sûr, du jazz (Bojan Z & Amira). Une autre manière de dire que si le festival est complètement à l’Ouest, il n’oublie pas non plus les autres directions indiquées par la rose des vents, des cuivres et autres instruments du jazz.

www.jazzalouest.com

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UN BŒUF ÉLEVÉ À LA FERME

On y souffle dans les cornes du jazz depuis presque 30 ans, autant dire que le bœuf du jeudi soir est devenu une institution, du côté de la ferme de la Harpe. Le constat est que le petit événement fait toujours autant de bruit.

Un bœuf ? Oui, un entre-potes bien swinguant ! Dans la langue du jazz, « taper le bœuf » ne signifie pas jouer du bugle mais se réunir entre amis musiciens pour improviser une mélodie sur un début de grille. À la ferme de la Harpe, depuis presque trente ans, les amateurs ont le choix du morceau. Ils n’hésitent pas à taper la bavette entre instruments, et le bœuf y est arrangé à toutes les modes, be-bop ou bossa.

Proposé par des résistants de l’éducation populaire totalement accros au « jazz qui se partage », l’événement du jeudi est bien sûr gratuit et totalement free. Une playlist est postée sur le site de l’association 3regards, histoire d’accorder les violons des musiciens. Mais pour le reste, il suffit simplement d’être un pro de l’impro, même quant on est amateur.

Créé dix ans après les jams hebdomadaires, le festival la Harpe en jazz n’a jamais oublié ses racines festives et conviviales. Le public le lui rend bien, qu’il soit esthète en la matière ou profane, seul ou en famille.

À la Ferme de la Harpe, même si le plaisir dure parfois jusqu’au bout de la nuit, à un moment, il faut filer !

www.3regards.com

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FREE AS THE BIRD

Programmeur des TransMusicales et des concerts ATM de l’Ubu, Jean-Louis Brossard est plus connu comme un enfant du rock que comme un amateur de jazz. Ainsi, si le découvreur de talents rime avec Nirvana ou Yargo, son idole absolue se nomme pourtant Albert Ayler, l’un des papes du free jazz.

 

 

 

Houle Musique

Enregistré dans la salle des machines d’un chalutier, « 60°43’ Nord » nous invite à une rave party au milieu de l’océan atlantique. Loin de toute rock’n’roll attitude, Molécule nous emmène rêver sous les latitudes électro. Le voyage est inoubliable.

 Dans « Moby Dick », Herman Melville nous embarque dans le sillon d’un homme obsédé par une baleine qu’il n’attrapera jamais, et finalement en quête du sens de la vie. Il y a aussi un côté épique dans « 60°43’ Nord », le projet de Romain Delahaye-Sérafini, alias Molécule. Son odyssée pourrait même s’appeler Moby Disc, tant son capitaine a souhaité larguer les amarres pour mieux se retrouver…

Trente-quatre jours sans escales, 4896 miles parcourus, des déferlantes de 17 mètres de haut, 200 kilos de matériel pour créer son boat studio… Le matelot n’a pas hésité à se jeter à l’eau et à s’isoler au milieu de l’Atlantique, pour pêcher l’inspiration. Aucun disque à bord, mais uniquement le son des machines et l’air mélodique du grand large pour composer : bruit sourd des vagues contre la coque, sifflement du vent sur l’acier du bateau, claquement des câbles, grondement du moteur… Électro, la symphonie est aussi aquatique, et la pêche aux sons, miraculeuse. Quand certains cargos de nuit passent trente-cinq jours sans voir la mer, Romain Delahaye l’a regardée dans le bleu des yeux pendant trente-quatre jours. Et plutôt qu’un sous-marin jaune psychédélique, c’est un bateau naviguant tempère peinard, à contre courant du mainstream qui point à l’horizon.

Pour brosser le tableau de « 60°43’Nord », imaginez Matthew Herbert et François de Roubaix sur un bateau, sans qu’aucun ne tombe à l’eau. Édifiant, le résultat ressemble à une croisière technoïde, entre électro ambiant immersive et rave berlinoise. Présentée en live lors des dernières TransMusicales, la tempête sonore, même si imaginaire, s’est avérée très efficace. Mélodique et sensible, ce livre-album n’est pas que beau, il est aussi très bon.

Fb / moleculesound / www.phunkster.com

JBG

 

Sortie tout droit des Têtes raides, La Tordue a marqué les années 1990 de son style qualifié de « nouvelle chanson française » par les médias. Retour sur l’autre french touch.

Pour nombre d’amoureux de la chanson française, les années 1980 sonnent l’heure de la renaissance. Avec des noms comme Les Têtes raides et La Tordue, on se dit que l’âge fut aussi d’or pour les kinésithérapeutes, mais c’est tout le contraire : décontractés et bienveillants, ces deux groupes ont inventé la French touche d’accordéon et autres instruments déringardisés. Un genre musical festif et tout en finesse. Au final, Les Têtes raides et La Tordue seront la colonne vertébrale d’un nouveau courant musical.

Parisien d’origine mais Rennais d’adoption, Benoit Morel (La Tordue) a d’abord croisé le faire avec Christian Olivier (Les Têtes raides) au sein du groupe de graphistes les Chats pelés. En 1995, la sortie du premier album de La Tordue, « Les choses de rien », est à l’origine du néologisme médiatique « nouvelle chanson française. » S’en suivront quatre inoubliables albums, dont le dernier et très militant « Champ Libre », en 2002. Fin de la belle histoire ?

Bien sûr que non, le parolier enchanteur Benoit Morel n’a pas perdu sa langue, qu’il continue de donner au public lors de concerts donnés sous le nom de B du chat. Un animal très souple, comme chacun sait.

www.lebduchat.blogspot.com

JBG

Entre Yann Tiersen et L’ Aire Libre, c’est une histoire d’éternelles Retrouvailles. Depuis 1995, le plus Rennais des Brestois a en effet semé sur la scène jacquolandine les petits cailloux qui ont fait de lui le Phare de la nouvelle chanson française. Retour sur un Fabuleux destin.

Il y a les fabuleux destins et les histoires simples. Yann Tiersen, si il toucha le tiercé gagnant un jour de 2001, est resté sage comme une image… Poulain. Chez le capitaine Yann, on ne joue pas avec la musique, on ne se la joue pas, on joue. Homme de studio, musicien, parolier, compositeur, cet artiste complexe aux multiples facettes a déjà suffisamment à faire.

« C’est Hervé Bordier (ancien découvreur de talents des TransMusicales, ndlr), qui a découvert Yann, en juin 1995, au cours d’un festival se déroulant dans les bars rennais. » Aujourd’hui membre actif du collectif Au bout du plongeoir, Dominique Chrétien officie alors à L’Aire Libre, où il accueille Yann Tiersen pour lancer la saison 1995-96 de L’Aire Libre. Dès l’année suivante, une première résidence accouche de la partition du « Kid » de Chaplin. « Rue des cascades », « Le Phare », « L’Absente », « Les Retrouvailles »… autant d’albums que Yann Tiersen rodera sur la scène de l’Aire Libre.

Révélé en 1998 par la lumière éclatante du « Phare », le Brestois a depuis emmené beaucoup de monde en balade sur la grève d’Ouessant, au gré de ses mélodies incomparables, magnétiques et mélancoliques, pleines d’embruns et de sentiers douaniers. « Monochrome », la vie de Yann Tiersen ? Pas si sûr.

En attendant, Good bye Lenin ! et hallo Yann. Sûr que l’on se reverra bientôt.

www.yanntiersen.com

JBG

 L’anecdote / Le fabuleux destin de la B.O du Fabuleux destin.

Ce n’était pas prévu. Avant de devenir la bande originale du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, la musique composée par Yann Tiersen a eu une première vie, loin de Montmartre et tout près de Rennes : la B.O du film sorti en 2001 ne fait en effet que picorer des morceaux des précédents albums, dont « L’Absente ». À l’origine, une partie de ces titres ont été utilisés pour l’adaptation au théâtre de « Freaks », film noir de Tod Browning, par le Théâtre de la Gâterie, basé à Saint-Grégoire. Comme quoi certaines B.O connaissent de fabuleux destins.

 

Témoignage : Delabrosse à reluire

Avant de devenir Ego le Cachalot, David Delabrosse a d’abord été Bouffé par le crabe, l’un des groupes dans lequel il sévit, au début des années 1990. Le Rennais hésite encore entre ses envies de Bohême et ses études de sciences-po. Il fera sciences potes et rencontrera Yann, qui produira et arrangera son premier album sorti en 2005 : 13m2 , soit la taille de son studio.

 

Culte

Les privilégiés présents dans la salle Colette Serreau du TNB, le 2 décembre 1998, s’en souviennent encore : Bernard Lenoir a délocalisé ses fameuses « Black Session » et donné carte blanche à Yann Tiersen, le plus Rennais des Brestois. Bertrand Cantat y livrera notamment une version crépusculaire et presque nue de « À ton étoile », Dominique A chantera un « Monochrome » plus mélancolique que jamais, et les Têtes raides une « Ginette » de toute première jeunesse.

LE RED BULL CARBURE AU DJ MARRRTIN

Depuis « De la dérive », sorti sous le nom de Dirty Dezer en 2002, DJ Marrrtin a fait un sacré bout de chemin. Pas de traversée du désert au programme mais un oasis de créations : le « crate-digger » a notamment mis au point le concept des fameuses soirées Stereophonk et Aerosoul, signé des pépites avec Funky Bijou… Grand maître de mixage dans les battles de breakdance ou de fameuses soirées, Dirty Dezer agit également dans l’ombre des signatures rap du label Junkadelic… DJ Marrrtin a écumé le monde (TransMusicales de Rennes, 24 Heures du Mans, Nordik Impakt à Caen, Blue Frog à Mumbaï…) Éminence soul funk reconnue par ses pairs, fabuleux party rockeur de l’hexagone, DJ Marrrtin reste pourtant l’un des secrets les mieux gardés de l’underground français. Sa nouvelle casquette de DJ résident des championnats de breakdance Red Bull BC One dopera-t-elle sa carrière ? Nul n’est prophète en son pays, mais une chose est sûre : le B-Boy donne un sacré coup de fouet à l’un des plus célèbres battles de la planète soul… En attendant, le DJ le plus funky du grand ouest vous salue bien.

À écouter : DJ Marrrtin – A bunch of funk – Red Bull BC One (Stereophonk)

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UN GRAND KENYON À RENNES 

Si la réputation musicale de Rennes s’est forgée comme « cité rock », c’est dans ses marges qu’il faut chercher pour trouver les artistes les plus « bankables ». Avec Kenyon comme ambassadeur, le rap rennais touche littéralement les cimes de la rime. À 20 balais et des poussières, le jeune MC époustoufle déjà la planète hip-hop.

Sa marque de fabrique : un rap très technique ; un sens aigu de la synthèse entre nu-soul, hip-hop et reggae/dancehall ; une voix surfant sur les différents styles de flow ; une maîtrise incontestable de l’impro et du fast-style…

Ses influences : les classiques U.S East coast, l’âge d’or du rap français, la vague new jack/R’n’B, et le ndombolo.

Découvert par Soprano, Kenyon en a même profité pour remixer « Crazy », un titre de la star du rap made in France. Complètement folle, en effet, la trajectoire du MC. Quand il n’assure pas la 1ère partie de groupes prestigieux (Sexion d’assaut, Busta Rhymes, Neg Marrons, Toots and the Maytals…), quand il ne remporte pas des concours (End of the weak, Buzz Booster, Crazy…), il compose des albums (« Soul revolt » en 2011, « L’Étude de K » en 2012…).

Son dernier e.p intitulé « Choix des armes » est sorti en 2015 et la pépite hip-hop rennaise annonce un nouvel opus pour cet automne. À propos d’armes, Kenyon a fait les siens au sein de Legal shot, sound system rennais faisant référence dans l’hexagone. Une chose est sûre, ce Kenyon là est plein de reliefs.

Kenyon est sur youtube, facebook…

kenyon

En ville, des festivals 

LE HIP-HOP DÉTONNE AUX QUARTIERS D’ÉTÉ

Quartiers sensibles, étés sans sable… On est loin de l’univers des cités avec ces incontournables Quartiers d’été. Dédiés aux cultures urbaines, le festival porté par le CRIJ Bretagne et plus de 200 jeunes a déjà vu passer du beau monde dans la verdure du parc des Gayeulles. Suprême groupe de rap, NTM y a notamment chanté « Ma Benz », et Ärsenik a pu faire une piqure de rappel de son talent au public lors de la dernière édition. En 2012, 21 000 personnes ont été s’égayer dans la nature des Gayeulles, en plein mois de juillet.

www.crij-bretagne.com/quartiersdete ; facebook…      

 

LE FUNK PREND LES RENNES 

Le rituel est incontournable, aussi précis qu’un mécanisme d’horlogerie suisse, réglé comme du papier à musique : depuis 2012, grâce à la compagnie Engrenage, la culture funk et hip hop prend Rennes d’assaut, pour le plus grand bonheur des nombreux amateurs des modes d’expression urbaine (musique, danse, etc) avec, toujours, l’éducation populaire en ligne de mire. À titre d’exemple, l’édition 2015 mettait notamment à l’honneur la musique Afrobeat (Seun Kuti & The Egypt 80) et les Brass bands de la Nouvelle Orleans (Michelle Gibson, etc). De quoi rendre le funk encore plus hip-hopulaire !

www.compagnieengrenage.fr/festival-le-funk-prend-les-rennes

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L’AUBAINE URBAINES 

Musique, danses, street golf, parkour, graffiti numérique… Depuis 2010, l’Antipode MJC et les rencontres Urbaines braquent les projecteurs sur ces pratiques en pleine éclosion. Côté son, l’édition 2016 invitait notamment à un atelier chorale beatbox, ou encore à un parcours organisé avec les étudiants en musiques actuelles du Pont Supérieur. Au programme, également, des concerts de Bukatribe, Demi Portion, A2H, Simba, Enerku, Anthony Parasole, Théo Muller…

www.urbaines.fr

 

Associations de bons fêtards 

STEREOPHONK

Depuis une dizaine d’années, le crew et label rennais proclame le droit de groove et passe régulièrement à l’acte pour de mythiques soirées. Dans les rangs de cette association de bons fêtards funk, soul, hip-hop : Funky Bijou, Deheb, Ajax Tow, DJ Marrrtin, Gop, Motwo…

Stereophonk est sur youtube, facebook, bandcamp, soundclouds…

 

Stand High Patrol

DU BON, DU BON, DU BON DUB

Les Rennais fans de reggae et de ses musiques cousines ont forcément été, un jour ou plutôt une nuit, rattrapés par la patrouille de Stand High. Stand High Patrol, ce sont trois « Dubadub Musketeerz » pour vous servir : les fondateurs Rootystep et Mac Gyver, suivis de près par Pupajim, MC, chanteur et compositeur officiel du groupe. Des bars de Rennes aux productions dub stepper anglaises, le sound system a pris la bonne habitude de bousculer les conventions depuis le début des années 2000. À l’image de leur dernier album, « A matter of scale », ce peuple-là est toujours vert.

www.standhighpatrol.com

 

La compil’ ultime

LES ROIS DU RAP RENNAIS SONT DANS RAIN CITY

On aurait pu parler de Brest of hip-hop mais c’est à Rennes que l’on se trouve. Dans l’arène d’une compilation même, dans laquelle se démènent les fauves pris par la fièvre du rap. Parue en 2012, cette anthologie rennaise pilotée par un Mekah en mécano de la générale, réunissait notamment Micronologie, Kenyon, Simba, Doc Brown, soient une quarantaine d’orfèvres au total. Si Rennes est une ville rock, électro, le rap sait aussi régulièrement se rap… peler à son bon souvenir.

 

UN PLATTERS À RENNES ! 

On vous parle ici d’un temps que les gens de vingt, trente, quarante, voir cinquante ans, ne peuvent pas connaître, The platters ayant connu leur âge d’or dans les années 1950-60. Et pourtant, qui n’a pas dansé le slow sur « Only you » ou « The great pretenders » ? Benjamin de ce groupe de doo-wop légendaire, Maurey Richards peut malgré tout dire « j’en étais ». Originaire de Chicago, il rejoint le groupe dans les années 1980 pour un bail d’une dizaine d’années. Aujourd’hui entre Rennes et Londres, le chanteur américain est régulièrement remarqué aux côtés de Ze Big band, des rennais grave énervés emmenés par Fred Burgazzi, de Ricky Ford ou encore de Sweet Scream’in Jones.

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musique-rock-5Ancien Marquis (de Sade) converti à Republik, Frank Darcel a également fait la révolution d’Octobre, et a toujours eu le rock comme fil rouge. Guitariste et chanteur, compositeur et producteur, le Rennais a également propulsé Daho au sommet et poussé Obispo à chanter. 1976-2016 : Morceaux choisis.

London calling

Rennes, été 1977. L’appel de Londres, l’appeau punk, la France léthargique… « Rennes ville rock » est encore un label au bois dormant.

« Je suis encore étudiant en médecine. Je tombe sur l’annonce d’un mec, disant qu’il dispose d’un local rue de Vern et qu’il cherche à monter un groupe pour reprendre le Velvet (Underground, ndlr) et les (Rolling, ndlr) Stones. À l’époque, la ville n’est pas folichonne, les étudiants restent majoritairement sur les campus, le centre ville et la rue de la Soif ne sont pas encore ce qu’ils sont. Le réseau des MJC est alors très important pour les musiciens, et aussi, fait plus étrange, le rôle des cinémas de patronage : les curés sont peut-être alors plus rock’n’roll que nos élus.

Le déclic, c’est bien sûr le mouvement punk, un feu de paille de deux ans (1976-1977) qui a révolutionné la façon de faire de la musique. Il était facile pour nous de prendre le ferry à Saint-Malo pour aller voir des concerts à Londres, sur King’s road, ou piller la boutique de disques de Malcom Mac Laren, par ailleurs manager des Sex Pistols. En 1976, Christian (Dargelos) est dans la capitale anglaise, où il assiste à un concert du premier groupe de Joe Strummer, les Wana Warners. Quant à moi, j’achète ma première guitare, une Les Paul.

Historiquement, les Marquis de Sade sont nés en 1977, après que nous ayons assuré la 1ère partie des Damned, un concert mémorable programmé Halle Martenot. Le chanteur Philippe Pascal était dans la salle, il nous a rejoint par la suite. Marquis de Sade canal historique était né. »

 

« Historiquement, les Marquis de Sade sont nés en 1977, après que nous ayons assuré la 1ère partie des Damned, un concert mémorable programmé Halle Martenot. »

 

Première galette.

Entre bâbord et tribord, Marquis de Sade tient le cap. Rennes dansera bientôt le twist à Dantzig.  

« Le premier 45 T des Marquis de Sade s’intitule Air Tight Cell. Hervé Bordier et Jean-Louis Brossard, les programmateurs des TransMusicales faisaient une revue d’effectifs des groupes locaux. Avec leur association Terrapin, ils ont décidé de produire notre disque. Pressé à 1200 exemplaires, celui-ci sort effectivement en avril 1978, et bénéficie de bonnes critiques. La suite est plus connue : notre 1er album, « Dantzig Twist », est enregistré à Rennes et sort en 1979. Rennes commence alors à bouger, cette époque est celle où la jeunesse rennaise transforme la ville, un souffle que l’on sentira jusqu’à l’arrivée du Sida, en 1983. »

 

Tonnerre de Brest… à Rennes

Putain, putain, c’était vachement bien, ils étaient tous des européens.

« Marquis de Sade est né de l’urgence punk, et porte l’empreinte de la musique new-wave. Marqué par les courants expressionnistes et le Bauhaus, le groupe oscille entre Londres et Berlin, l’Angleterre et l’Allemagne… Au final, notre vision était alors très européenne, et nous ne cessions d’ailleurs d’être fascinés par ce mur qui séparait notre vieux continent en deux. Enfin, nous étions prêts à accepter beaucoup de choses, mais surtout pas d’être qualifié de ‘groupe de rock français’. Notre deuxième et dernier album, Rue de Siam, est sorti en 1980. Nous savions déjà que ça ne durerait pas. Je crois que notre groupe a marqué les esprits en raison de cette vie éphémère : nous n’avons pas eu le temps de décevoir. »

« Pour l’anecdote, Pascal Obispo m’a un jour confié s’être mis à la musique après avoir écouté Acteurs du monde, le « tube » d’Octobre. »

« Mon beau-frère a joué dedans »

Les vraies têtes de Marquis de Sade, pour arrêter de couper les cheveux en quatre.

« J’entends encore cette coiffeuse a qui j’avais confié ma tête, et me soutenant mordicus : ‘mon frère a joué dans Marquis de Sade’. Pour être le seul à avoir ouvert et fermé la porte, je sais exactement qui a fait partie du groupe. Si nous n’avons existé que le temps de deux albums, cela n’a pas empêché quinze musiciens de jouer dans le groupe : les batteurs Pierre Thomas (futur Marc Séberg) et Éric Morinière, les bassistes Christian Dargelos, Sergeï Papaïl, Henri Abega et Thierry Alexandre, les guitaristes Frank Darcel, Michel Rouille et Anzia (futur Marc Séberg), le clavier Alain Pottier, les saxophonistes Daniel Pabœuf et Philippe Herpin, le chanteur Philippe Pascal (futur Marc Seberg). » La mèche est dite, et la coupe (de cheveux) est pleine.

 

Octobre, Senso, Daho, Obispo… Le point sur les O

D’Étienne Daho à Pascal Obispo, Frank Darcel a œuvré dans l’ombre à mettre des stars de la chanson française en lumière.

« Après Marquis de Sade, j’ai créé Octobre. Parmi nos faits de gloire, un 2e album qui nous vaudra d’assurer la 1ère partie de David Bowie, à l’hippodrome d’Auteuil. Ça fait drôle de jouer devant 50 000 personnes. Je collaborais déjà en parallèle avec Étienne Daho : j’assurais la guitare sur son premier album (Mythomane), et j’ai réalisé le second (La Notte La Notte). C’est le début de la Dahomania.

Après Octobre, il y a eu Senso. Pascal Obispo y jouait de la basse. Comme notre chanteur brestois ne venait plus aux répétitions, je l’ai poussé à chanter. Pour l’anecdote, ce dernier m’a un jour confié s’être mis à la musique après avoir écouté Acteurs du monde, le « tube » d’Octobre. »

 

L’An I de Republik

Un acouphène, une longue parenthèse lisboète, et un coup fin : la création de Republik, en 2008.

« Un acouphène provoqué par le déclenchement imprévu d’une alarme m’a conduit à poser ma guitare électrique et à prendre la plume. Je suis parti au Portugal, à Lisbonne, où j’ai également été producteur. Je n’ai entamé ma 2e vie de musicien en 2008. Après un 6 titres peu satisfaisant, je pense avoir enfin trouvé la bonne formule de Republik. Éléments, le premier album, est sorti en novembre 2015. Je ne peux qu’être satisfait par la liste d’invités prestigieux réunis sur l’album : Yann Tiersen, la rythmique légendaire des Talking Heads (Tina Weymouth et Chris Franz), le New-Yorkais James Chance… Le disque a été bien reçu, et il marche toujours bien, ce qui nous a donné envie de battre le fer pendant qu’il est chaud. Notre second album est donc sorti cet été. Je qualifierais le style de Republik de rock à guitares pas nostalgiques, avec des clins d’œil aux New-York et Rennes des années 1980. »

 

L’industrie du disque est rayée ?

« J’écoute bien sûr avec intérêt tout ce qui se fait à Rennes, et je dois dire qu’il y a beaucoup de choses bien. Mon groupe préféré est Montgomery, notamment parce qu’ils chantent (très bien) en français, ce qui est rare, et parce que c’est très bon tout court. Je regrette qu’ils soient en stand by. Sinon, j’apprécie aussi Laetitia Sheriff, Her ou Bumkin Island, dont le batteur collabore à Republik…

Il y a plein de groupes de qualité, c’est le marché du disque qui est aujourd’hui en panne. Certes, l’industrie musicale a continué à profiter des publicités et des musiques de film, mais ce n’est pas le cas pour les supports matériels. Je dirais que créer son propre label ou sa maison d’édition est presque devenu une obligation. C’est ce que j’ai fait avec LADTK. »

www.republik.bzh / www.latdk.com

 

Propos recueillis par Jean-Baptiste GANDON

 

Sa playlist : Montgomery, Laetitia Sheriff, Bumpkin Island, Her

Bordier, Brossard, Macé ; le trio fondateur des Trans Musicales était en fait… un quatuor. Surnommé « Ubu », Jean-René Courtès a toujours préféré les coulisses au devant de la scène. Coup de projecteur sur cet éternel agitateur.

 « Salut Ubu ! », s’exclame Béatrice Macé lorsqu’elle croise Jean-René Courtès. Rockeurs de la première heure, anciens gauchistes…, ils sont encore une poignée à l’appeler ainsi. « Une minorité éclairée », rigole Jean-René. Ce surnom écho au héros d’Alfred Jarry lui vient à la fois de son admiration pour le groupe de rock américain Père Ubu, et des positions qu’il défendait au sein de la Ligue Communiste entre 1968 et 1973. « Ils voulaient construire un parti d’élite, alors que je me situais plutôt entre Rosa Luxembourg et les libertaires. Ils considéraient mes idées comme ubuesques. »

Jean-René Courtès est né à Rennes en 1952, mais ses origines sont bigoudènes : père marin-pêcheur, mère ouvrière à la conserverie du Guilvinec. Un terreau favorable à l’engagement. Membre du Collectif rennais antimilitariste (CRAM), Jean-René participe à la rubrique « Tribunal Permanent des Forces Armées » du tout jeune journal Libération qui agrège à l’époque moult aspirants révolutionnaires. L’étudiant en droit se forge un bagage intellectuel à défaut de diplômes. « Je ne pense pas en avoir, je ne suis jamais allé les chercher. J’ai eu mon UER de tarot à l’actuel Sablier. »

 

Homme orchestre

1976 année éclectique : Hervé Bordier fonde Terrapin, association organisatrice de concerts ; Jean-René Courtès est embauché à la librairie libertaire Le Monde en Marche. Rue Vasselot, il développe un rayon fanzines, BD, musique, « trucs alternos culinaires importés des Pays-Bas »… S’il connaissait déjà Hervé Bordier, disquaire à Disc 2000, Jean-René rencontre Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé à la librairie. Tous se retrouvent à Terrapin. « On n’y connaissait rien. On fonctionnait vraiment à l’énergie. » Bordier s’appuie sur le sens politique de Jean-René pour faire comprendre à la nouvelle municipalité élue en 1977 qu’il faut soutenir le rock à Rennes. « Avec les associations Actualité du Monde Libre (Pierre Fablet), Elipse (Etienne Daho)…, on a établi un rapport de forces avec la Ville. » Qui a débouché sur les Trans Musicales en 1979. Il reste dix ans à la tête des Trans, d’abord comme président bénévole de Terrapin (parallèlement à son activité de libraire) puis comme directeur général salarié de 1986 à 1989.

En 1992, il participe avec Alan Gac à développer le label Rosebud. Dans la foulée, il monte Help Kane, structure de management,de booking et de distribution des groupes locaux click here. Jamais à court d’énergie, Jean-René crée son propre label, Kerig, en 1994. Malgré de beaux succès (Casse-Pipe, Clam’s, Billy Ze Kick…), la crise du disque a raison des aventures musicales de Jean-René Courtès à l’aube du 21e siècle. Il se reconvertit alors dans la brocante, et continue paisiblement sa vie de bric et de rock.

Eric Prévert

 

Après une pause de plus de trente ans, Les Nus ont remis leur habit de lumière à la faveur d’une reformation, un soir de TransMusicales 2013. La légende est de nouveau en marche, Johnny peut fourbir sa colère et le chanteur Christian Dargelos nous faire part de son enchantement.

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« Sans la reprise de ‘Johnny Colère’ par Noir Désir, il n’y aurait pas eu de second album. » Le décor est posé, clair comme de l’eau de rock : si Les Nus n’avaient pas été les idoles du célèbre groupe bordelais, l’histoire se serait arrêtée là, sur un coup d’essai « raté » et un premier album non assumé. « Elle est parue en 1986 sur ‘Tostaky’, à mon sens le meilleur album de Noir désir. Dès lors, les Nus ont cessé d’être un groupe de scène ayant raté son disque, ou encore un satellite de Marquis de Sade. »

Les Nus pour les nuls

Pour la petite histoire, les non initiés ont longtemps cru que les Nus étaient les élèves et Noir Dés’ le maître… Et pour la grande anecdote : « Nous jouions dans un festival à côté de Bordeaux. Les Dogs et Gun club étaient notamment à l’affiche. À la fin du concert, quatre jeunes mecs et une nana sont venus me voir, me donnant rendez-vous le lendemain matin dans le hall de mon hôtel. Ils étaient bien là, ponctuels. Nous nous sommes rendus dans une maison à côté de Bègles. Il y avait un studio aménagé dans une cave. » Christian Dargelos revient sur ce sentiment étrange qui l’étreint encore, rétrospectivement : «  C’est drôle, pour eux, nous étions Led Zep’, c’est-à-dire des Dieux. Au final, nous avons joué une heure, ils connaissaient notre album par cœur ! » Fin de l’histoire ? « Je les ai loupé aux TransMusicales en 1986, mais par chance, ils sont revenus à l’Ubu en février suivant. » Fin de l’histoire ? « Cinq ou six ans plus tard, j’ai appris qu’ils voulaient reprendre Les Yeux. » Ce sera Johnny Colère : « Noir Désir, c’est le groupe français le plus important de l’histoire du rock, ça peur relancer une carrière. »

À l’origine du groupe Marquis de Sade et des Nus, Christian Dargelos est à Londres, en 1976, dans le creuset du No Futur, là où se dessine alors l’avenir du rock. « J’ai vu les Sex Pistols au Nashville, un gros pub de Londres, les Wana Warners de Joe Strummer, les Heartbreakers de Johnny Thunders, The Cure et Siouxie and Banshees… » Londres est alors un melting pot rock bouillonnant, prise d’une folie furieuse pour le moins contagieuse. « Les seuls que je n’ai pas vus, ce sont les Clash. » Ma plus grosse claque ? « Sans hésiter les Stranglers, dans une cave de Covent Garden. Jean-Jacques Burnel est celui qui m’a le plus impressionné, sans doute parce que comme lui, je suis bassiste et chanteur. »

L’appel de Londres et, avec la marée montante, la vague New wave qui finira par s’abattre sur Rennes. « Hervé Bordier a par exemple fait rapidement découvrir The Cure aux Rennais. À cette époque, toute la musique de l’ouest est alors concentrée à Rennes. »

 

Johnny Colère en couleur

« Il fallait les refaire… » Réenregistrer L’étrange vie, ce titre « à mi-chemin entre les Doors et les Stranglers », Le Mime hurlant, Johnny Colère et tous ces titres délavés par un premier enregistrement sans couleurs. L’occasion de faire d’une pierre qui roule deux coups en y ajoutant des titres maquettés de longue date, mais néanmoins inédits.

« En 2013, nous nous sommes reformés pour un concert à l’Ubu, histoire de rigoler un peu. Jean-Louis Brossard a voulu nous intégrer à la programmation des TransMusicales et nous offrir la scène du MusikHall, mais pour nous, la marche était trop grande… Nous avons finalement opté pour un concert à l’Ubu, en hommage à notre ami et membre des Nus, Frédéric Renaud. » Présent dans la salle, Étienne Daho encense les idoles. Il réalisera Les Années Reagan, pas rengaine pour deux sons. Enregistré en deux jours au studio Cocoon de Vern-sur-Seiche, ce deuxième album lui aussi éponyme reçoit de bonnes critiques, ce qui « répare un peu les dégâts causés par le premier. » L’occasion d’y redécouvrir un « Johnny Colère » plus sauvage que jamais, un « Clown » toujours aussi triste, et au final, du rock dans toute sa splendeur, « noir et tendu », résume Christian Dargelos. « Nous sommes bien dans l’univers des Nus, quelque part entre Nino Rota et les Stranglers. »

 

2017, l’année des Nus

Écrit juste après la révolution iranienne, La force de l’Islam rencontre aujourd’hui l’étrange écho de l’actualité : « Je suis conscient de cette possible ambiguïté. Cette chanson parle certes du fanatisme, mais aussi du magnétisme de cette religion, y compris dans le rock occidental. Je pense au ‘Killing an arab’ des Cure, au ‘Paint it black’ des Stones, au ‘Kashmeer’ de Led Zeppelin. J’adore la musique orientale, on peut également l’entendre entre les lignes de ‘Johnny Colère’. »

2016… « Le train est remis en marche, et les récentes critiques m’ont donné envie d’un 3e album. J’ai encore quelques textes et bribes de musique dans mes tiroirs find locksmith dublin . Des vieilles choses mais ce n’est pas grave, notre musique est intemporelle. » Pour quand ce 3e Nus ? « 2017 ». Une nouvelle qui fera tomber les fans des nues.

Jean-Baptiste Gandon

À suivre : un nouvel album en 2017.

« La reprise de Johnny Colère est parue en 1986 sur ‘Tostaky’, à mon sens le meilleur album de Noir désir. Dès lors, les Nus ont cessé d’être un groupe de scène ayant raté son disque, ou encore un satellite de Marquis de Sade. »