Entièrement organisé par les étudiants de l’Insa de Rennes sur le campus Beaulieu, Rock’n Solex est un festival unique à l’histoire singulière. Compétition de Solex d’abord, puis concerts tous styles et animations déjantées forment l’ossature de cette aventure démarrée en 1967.

1967. L’Institut national des sciences appliquées (Insa) n’est ouvert que depuis un an et déjà l’Amicale des élèves turbine pour égayer le quotidien scolaire des futurs ingénieurs. « Je faisais partie de la commission loisirs et culture au sein de l’Amicale, raconte Dominique Verdier » étudiant de la deuxième promotion de l’école. « Je ne me souviens plus qui a eu l’idée de cette course de Solex mais j’ai donné le coup d’envoi de la première édition. » Le 2 décembre 1967, ils sont une douzaine d’étudiants à disputer « Les 24 minutes de l’INSA », « un clin d’œil aux 24 Heures du Mans ! ». Le Bulletin insalien d’information périodique (BIIP) de l’époque précise : « Toutes les modifications sur les engins sont autorisées. Les carottages sur le parcours seront sévèrement pénalisés. » Et attention au « contrôle anti-doping » !
L’enjeu est en effet de taille pour les concurrents : « Deux litres d’essence au premier, un litre de bière au deuxième, une douche froide au dernier. » L’épreuve tient la route, perdure, se développe et se structure. 1975 marque un tournant: première campagne de communication, commissaires de courses, interventions de la Croix-Rouge…

Bruits et sons à l’unisson

L’histoire musicale de Rock’n’Solex commence en 1985. Jusqu’alors, pilotes, organisateurs, étudiants tapaient le bœuf en se rinçant le gosier au foyer de l’institut le soir après les courses. Pourquoi ne pas prolonger la fête par de vrais concerts ? Le premier groupe à fouler la scène sera Tohu (ex-Tohu Bohu). Dès 1988, le fest-noz ouvre le festival. Une soirée pour rassembler les générations (50 % d’habitués des festou-noz, 50 % d’étudiants) et faire entendre d’autres rythmes et ambiances. Le début des années 1990 est marqué par le nouveau rock français : Les Négresses vertes, Elmer Food Beat, Washington Dead Cats… En 1996, un jeune groupe se produit au bar Le Sablier dans le cadre des BaRock’n Solex. Un an plus tard, son album se vendra à trois millions d’exemplaires. Son nom claque : Louise Attaque ! En trois décennies, aucun genre n’a échappé à la sagacité des programmateurs.

À côté du son, les organisateurs n’oublient pas les animations. Et pas des moindres ! Saut en parachute, karting, baptême en montgolfière, démonstration de dragster… et même courses de poissons rouges, lancers de charentaises ou tournoi de pétanque-œuf. Un inventaire aussi farfelu qu’improbable qui dénote chez ces jeunes gens de vingt ans un esprit ludique et une capacité à ne pas se prendre au sérieux. Quant aux courses de Solex, c’est désormais 150 équipages (deux, trois ou quatre pilotes) qui affluent de la France entière pour disputer les trois jours de compétition : slalom, côte, descente, endurance vitesse.

2 octobre 1987 – 20 novembre 1997. Dix damnées années de musique à l’Ubu, cinq cent concerts au bas mot : de Noir Désir aux Pires, le petit club rennais verra la vie en rose, offrant le meilleur de la scène internationale à ses visiteurs. « Les années 90 à l’Ubu, c’était systématiquement trois lives par semaine, les jeudi, vendredi et samedi », en souffle encore Jean-Louis Brossard. Le programmateur de l’association ATM se demande sûrement comment lui-même et sa petite équipe de technos réussirent à tenir l’infernale cadence.

« Hormis quelques salles parisiennes, nous étions la seule scène où la jeunesse française avait l’occasion de pouvoir écouter de la musique qui ne soit pas de la variété. C’était l’époque où l’on venait de Nantes ou de Saint-Nazaire pour voir Johnny Thunders ou Maceo Parker. Surtout, l’Ubu avait sa propre équipe de techniciens et garantissait un vrai son aux groupes programmés. » Loin d’être usurpée, cette réputation ne tardera pas à faire le tour des caves de répétition de l’Hexagone : « nous sommes très vite devenus potes avec la grande majorité des groupes français. Ces derniers savaient qu’à l’Ubu, les premières parties étaient traitées avec le même respect que les têtes d’affiche. »

 

Buena Vista Social Ubu Club

Refaire ces dix années de concerts à l’Ubu, cela revient un peu à vouloir uniformiser les six faces d’un Rubik’s cube, mais avec neuf couleurs. De 1987 à 1997, le club fera en effet feu de toutes les voix et tendances musicales, un don d’ubiquité se révélant tel un palimpseste sur les pages jaunies de l’agenda de l’époque. Un exemple puisé  dans l’année 1989 : The Inmates le 16 mars, The Legendary Pink dots le 17, Doctor John et Bill Pritchard le 18, My Bloody Valentine et Happy Mondays le 22, Noir Désir les 24 et 25… Qui dit mieux ?

Les anecdotes fusent, aussi légères qu’éphémères, mais nombre de relations d’amitié solides comme le rock, se noueront également dans les coulisses de l’Ubu. Avec Noir Désir, par exemple : « je me souviens qu’on a fait une photo avec eux. Elle est d’ailleurs toujours sur mon bureau. » On retrouvera d’ailleurs Cantat et consorts à de nombreuses reprises sur le devant de la scène rennaise, mais aussi dans la fosse, comme simples spectateurs. « Ils faisaient partie des cinquante personnes à assister au premier concert de John Spencer Blues Explosion. »

De la scène punk rock à la fameuse horde brit’pop en passant par de nombreuses soirées blues, les groupes d’horizons les plus divers ne cessent de se croiser, transformant l’Ubu en lieu de tous les possibles. On y apercevra notamment Théo Hakola, d’Orchestre rouge, en pleine discussion avec les membres de Sloy, alors domicilié à Rennes… dans un camion. Ou Érik Marchand monter sur scène pour improviser un bœuf avec les Albanais de la Famille Lela de Permet. En février 88, Jean-Louis Brossard décide de modifier l’ordre de passage des groupes initialement prévu, et intercale le Rennais Dominic Sonic entre Biff Bang Pow et Momus. « Les deux autres groupes anglais étaient sur le label Creation, et je voulais faire en sorte qu’Alan Mc Gee, son boss, assiste au concert de Dominic. »

En quinze jours, courant octobre 1993, Magic Slim and The Teardrops, James Taylor quartet, Nova Nova, That Petrol émotion, Blur, Dominique A et FFF se passent successivement le témoin. Pour la Fédération Française de Funk, le tout Paris vient chercher Marco et sa bande. C’est Epic qui tirera finalement son épingle du jeu et les signera le soir même.

Souvenirs, souvenirs… Rappels, rappels. Groupe cher à l’équipe de l’Ubu, Yargo reviendra six fois sur scène. « Les groupes étaient tellement satisfaits par les conditions techniques qu’ils n’hésitaient pas à faire du rab. Les soirées à l’Ubu, c’était un tout. Il y avait un DJ, Gégé à l’époque, qui assurait l’entrée en matière. Et les choses ne s’arrêtaient pas à la fin du concert, le club ne fermait pas, on pouvait donc rester pour discuter. Il y avait un côté très humain dans tout ça. » Très humain, malgré quelques regrettables et vilains jeux de mains. Le concert des Happy Mondays, par exemple, qui tournera court : « ils ne respectaient rien ni personne. Leur live a très vite dégénéré, et cela a fini en bagarre générale. Je crois qu’ils ont été longtemps placés sur la liste noire des scènes françaises suite à cela. »

You be you at the Ubu. Floqué sur les tee-shirts portés fièrement par les aficionados de la petite salle rennaise, le slogan résume assez bien ces dix années de Folies rennaises, pour reprendre le nom d’un autre festival qui connut à l’époque son heure de gloire. Un âge d’or où Jean-Louis Brossard n’hésite pas à aller chercher le son dans les plus petites niches musicales. « Je me souviens de Troy Turner, un artiste énorme, quelque part entre Stevie Ray Vaughan et Jimi Hendrix. Ce mec collectionnait les chaussures, et quand nous sommes allés le chercher à la gare, il en avait une valise entière ! » Ignorant les coups de pompe, le programmateur de l’Ubu n’hésitera pas à se mettre à genoux devant John Mayall pour avoir droit à son petit Walkin’ on the Sunset. «Ce mec était étrange… Nous n’avions pas le droit de toucher à ses instruments, il lui fallait des glaçons en permanence, et aussi deux chapons grillés dans sa loge. Au moins, cela signifie qu’il se renseignait avant sur les us et coutumes locales. » À propos de planter les choux à la mode de chez nous, il y eut les Washington Dead Cats « qui balançaient des poireaux sur le public. » Les gays Belges du groupe électro A ! Grumh, eux, « c’était de la viande ». Les fameux pavés… de rumsteack !

Pour finir sur les plus belles notes de musique, rappelons que nombre de groupes, parmi lesquels The Tindersticks ou Calvin Russel ont donné leur premier concert dans la salle rennaise. Dix ans pendant lesquelles Jean-Louis Brossard nous donna rendrez-vous avec les légendes passées et les gloires à venir. « Aujourd’hui, à l’heure où les complexes fleurissent comme des champignons, l’Ubu est resté le même. Dirons nous comme un ultime clin d’œil…

Jean-Baptiste Gandon

 

Sortie tout droit des Têtes raides, La Tordue a marqué les années 1990 de son style qualifié de « nouvelle chanson française » par les médias. Retour sur l’autre french touch.

Pour nombre d’amoureux de la chanson française, les années 1980 sonnent l’heure de la renaissance. Avec des noms comme Les Têtes raides et La Tordue, on se dit que l’âge fut aussi d’or pour les kinésithérapeutes, mais c’est tout le contraire : décontractés et bienveillants, ces deux groupes ont inventé la French touche d’accordéon et autres instruments déringardisés. Un genre musical festif et tout en finesse. Au final, Les Têtes raides et La Tordue seront la colonne vertébrale d’un nouveau courant musical.

Parisien d’origine mais Rennais d’adoption, Benoit Morel (La Tordue) a d’abord croisé le faire avec Christian Olivier (Les Têtes raides) au sein du groupe de graphistes les Chats pelés. En 1995, la sortie du premier album de La Tordue, « Les choses de rien », est à l’origine du néologisme médiatique « nouvelle chanson française. » S’en suivront quatre inoubliables albums, dont le dernier et très militant « Champ Libre », en 2002. Fin de la belle histoire ?

Bien sûr que non, le parolier enchanteur Benoit Morel n’a pas perdu sa langue, qu’il continue de donner au public lors de concerts donnés sous le nom de B du chat. Un animal très souple, comme chacun sait.

www.lebduchat.blogspot.com

JBG

Entre Yann Tiersen et L’ Aire Libre, c’est une histoire d’éternelles Retrouvailles. Depuis 1995, le plus Rennais des Brestois a en effet semé sur la scène jacquolandine les petits cailloux qui ont fait de lui le Phare de la nouvelle chanson française. Retour sur un Fabuleux destin.

Il y a les fabuleux destins et les histoires simples. Yann Tiersen, si il toucha le tiercé gagnant un jour de 2001, est resté sage comme une image… Poulain. Chez le capitaine Yann, on ne joue pas avec la musique, on ne se la joue pas, on joue. Homme de studio, musicien, parolier, compositeur, cet artiste complexe aux multiples facettes a déjà suffisamment à faire.

« C’est Hervé Bordier (ancien découvreur de talents des TransMusicales, ndlr), qui a découvert Yann, en juin 1995, au cours d’un festival se déroulant dans les bars rennais. » Aujourd’hui membre actif du collectif Au bout du plongeoir, Dominique Chrétien officie alors à L’Aire Libre, où il accueille Yann Tiersen pour lancer la saison 1995-96 de L’Aire Libre. Dès l’année suivante, une première résidence accouche de la partition du « Kid » de Chaplin. « Rue des cascades », « Le Phare », « L’Absente », « Les Retrouvailles »… autant d’albums que Yann Tiersen rodera sur la scène de l’Aire Libre.

Révélé en 1998 par la lumière éclatante du « Phare », le Brestois a depuis emmené beaucoup de monde en balade sur la grève d’Ouessant, au gré de ses mélodies incomparables, magnétiques et mélancoliques, pleines d’embruns et de sentiers douaniers. « Monochrome », la vie de Yann Tiersen ? Pas si sûr.

En attendant, Good bye Lenin ! et hallo Yann. Sûr que l’on se reverra bientôt.

www.yanntiersen.com

JBG

 L’anecdote / Le fabuleux destin de la B.O du Fabuleux destin.

Ce n’était pas prévu. Avant de devenir la bande originale du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, la musique composée par Yann Tiersen a eu une première vie, loin de Montmartre et tout près de Rennes : la B.O du film sorti en 2001 ne fait en effet que picorer des morceaux des précédents albums, dont « L’Absente ». À l’origine, une partie de ces titres ont été utilisés pour l’adaptation au théâtre de « Freaks », film noir de Tod Browning, par le Théâtre de la Gâterie, basé à Saint-Grégoire. Comme quoi certaines B.O connaissent de fabuleux destins.

 

Témoignage : Delabrosse à reluire

Avant de devenir Ego le Cachalot, David Delabrosse a d’abord été Bouffé par le crabe, l’un des groupes dans lequel il sévit, au début des années 1990. Le Rennais hésite encore entre ses envies de Bohême et ses études de sciences-po. Il fera sciences potes et rencontrera Yann, qui produira et arrangera son premier album sorti en 2005 : 13m2 , soit la taille de son studio.

 

Culte

Les privilégiés présents dans la salle Colette Serreau du TNB, le 2 décembre 1998, s’en souviennent encore : Bernard Lenoir a délocalisé ses fameuses « Black Session » et donné carte blanche à Yann Tiersen, le plus Rennais des Brestois. Bertrand Cantat y livrera notamment une version crépusculaire et presque nue de « À ton étoile », Dominique A chantera un « Monochrome » plus mélancolique que jamais, et les Têtes raides une « Ginette » de toute première jeunesse.

Il paraît que le jazz a du mal à trouver son public à Rennes « ville rock ». Jazz à l’Ouest démontre le contraire chaque mois de novembre, précédant de quelques semaines le rendez-vous des Trans. Le festival organisé par la MJC Bréquigny tient la rampe depuis 1990 et étend désormais sa programmation dans les salles de concerts de Rennes et de la métropole. Retour sur l’histoire du festival. @TVR/2001

Reportage dans les coulisses du tournage d’un clip du mythique groupe rennais Billy the Kick : le très engagé « Quelques mots pour calmer les machos » paru dans l’album « Verdure et libido » (Pudding, 2001). Pour mémoire le groupe rentra dans la légende au début des années 1990 à la faveur de tubes aux allures de champignon atomique nommés « Mangez-moi », « OCB », ou « Jean-Much Much » @TVR/