D’ordinaire dans l’ombre du studio d’enregistrement, Antoine Chabert, alias Chab, s’est retrouvé en pleine lumière en 2014 grâce aux Grammy Awards. Le Vezinois d’adoption a été récompensé trois fois pour le mastering de l’album de Daft Punk porté par le tube planétaire « Get Lucky ».

 

Pas simple de définir sa fonction. « Il n’existe pas de traduction française, explique Chab. Les Anglais disent masterer, mais masteriseur ce n’est pas beau. » Va pour ingénieur du son, bien qu’il ne participe pas directement à l’enregistrement de l’œuvre. Il intervient entre le mixage et le pressage du disque, afin que les titres soient écoutables sur tous les supports (CD, vinyles, radios, smartphones…). « C’est un travail d’équilibriste sur les graves, les aigus, le volume, la dynamique d’un morceau. Je suis censé corriger les défauts. » Des défauts infimes inaudibles au novice. « Au début, moi-même je n’entendais pas la différence lorsqu’un ingénieur tournait un bouton. Puis l’oreille se forme, s’affûte, comme un muscle. Même si on a des prédispositions pour faire ce métier. »

 

Titulaire d’un BTS audiovisuel, spécialité son, Chab est venu par hasard au mastering. Musicien par passion, il s’affaire derrière la console du groupe Playdoh en parallèle à ses petits boulots. Puis se fait embaucher en janvier 2000 à Translab, important studio parisien. Premier « gros boulot » et première réussite (« Angela » de Saïan Supa Crew). Bouche-à-oreille et confiance avec l’équipe artistique font le reste. Parfois le producteur, l’ingé son ou l’artiste (« Daho et Cantat viennent tout le temps ») assistent au mastering. « Il faut être à l’écoute. » Surtout lorsqu’on touche à tous les styles, de l’électro à la chanson, du rock à la variété. « Je ne sélectionne pas. J’aime changer. Florent Pagny n’est pas ma musique de prédilection mais je suis content de le faire. »

 

Grammy Awards : 3, Victoires de la Musique : 0

Avec Daft Punk, la rencontre s’est faite sur un autre registre. « Ils travaillaient sur la BO du film Tron dans un studio voisin. On s’est prêté du matériel et en échangeant nos impressions une relation humaine s’est créée. » Ils ont fait appel à lui pour leur dernier album alors qu’il avait déjà été masterisé par l’américain Bob Ludwig. « Une figure mythique ! C’était délicat mais ils estimaient qu’il avait trop respecté les mix. Les Daft Punk sont très pointilleux mais ils ne mettent pas la pression. On a le temps. J’ai dû y passer une dizaine de jours alors qu’il en faut un ou deux d’habitude. »

Pour la cérémonie des Grammy à Los Angeles, Daft Punk avait convié tous les techniciens. Chab est monté sur scène récupérer les statuettes. « Je me retrouve sur les photos officielles car les autres préparaient le live avec Pharell Williams, Nile Rodgers et Stevie Wonder. » Ces récompenses ont accru sa notoriété hors de France. Désormais dans ses propres locaux, assisté de deux employés, Chab est à bloc. La semaine en studio à Paris, le week-end en famille à Vezin-le-Coquet. Un transfert du studio à Rennes est envisagé à terme, « mais c’est trop tôt. Paris est encore une plaque tournante ». Sauf pour les Victoires de la Musique, qui ne daignent toujours pas célébrer les techniciens.

 

Eric Prévert

http://www.chabmastering.com/