Pas de chant chez Fragments. L’électro organique du trio rennais voyage sur une autre voie, bordée de sons et de rêves aux couleurs froides de la Scandinavie.

Une phrase tourne en boucle autour de Fragments. « Mais pourquoi vous ne chantez-pas ? ». Benjamin Le Baron, Tom Beaudouin et Joris Saidani ne se sont jamais posés la question. Mais ils ont la réponse. « Écrire, c’est difficile. Il faut avoir des choses à dire. Et il faut savoir chanter. La musique instrumentale développe un autre imaginaire. Plus libre ».

 

« On est plus Suède qu’Espagne »

Sorti des eaux en 2012, remanié après le départ de Sylvain Texier, le groupe vogue sur les claviers et les guitares en mode instrumental, à contre-courant. Entre post-rock et électronica. Pas de gros beats, des sons fins, des nappes envoûtantes, des arabesques mélodiques…

La musique de Fragments évoque Apparat, Mogwaï ou Air. Elle respire les aurores boréales, les lacs gelés et les forêts épaisses des pays nordiques. Couleur bleu nuit. Elle bricole des petites rythmiques organiques à base de pas enregistrés dans les feuilles mortes ou de percussions sur un vieux radiateur.

Les copains de Fragments sont des rêveurs à la mélancolie lumineuse. Leur musique contemplative appelle les images. Qui les appellent aussi. Pour la bande annonce d’un documentaire d’Arte sur les enfants adoptés puis abandonnés aux Etats-Unis, par exemple. Mais aussi pour un reportage sur la victoire de l’équipe de France de water-polo… Rien à voir. « La musique instrumentale suscite toutes les émotions ». La tristesse comme l’espoir chez Fragments.

 

FIP fan

Aux origines, de bonnes fées se sont penchées sur le berceau du trio. Le label rennais Patchrock et l’Antipode MJC, en particulier. Puis le bébé a grandi vite sur les tremplins et les tournées du Printemps de Bourges, des Transmusicales et des Vieilles Charrues. Un premier album (Imaginary seas) est sorti en 2016, suivi d’un live et une sélection FIP. Une belle vitrine pour aller plus loin.

Sur son succès naissant : « On est encore étonné. On fait de la musique de niche, pas très dansante. Sur le papier, ce n’était pas gagné ». Les programmateurs ont révisé leur jugement. « Au début, ils craignaient que ça soit trop calme. Genre chiant… Puis ils sont venus nous voir jouer ». Un jeu habité, tendu et expressif. L’heure est au live pour défendre le premier album. Un quarante-cinq tours sortira au printemps. Fragments a pris son temps. Du temps long, lent et léger. Et maintenant, tout s’accélère.

Olivier Brovelli

 

Fragments, « Imaginary seas », 2016, www.patchrock.com