L’EMPIRIQUE CONTRE ATTAQUE

Ni label ni tourneur, un peu manager, un brin promoteur et très porté sur l’image, Tanguy You est un peu tout cela à la fois. Au plus près des groupes et loin de Paris, l’agent tout risque imagine des stratégies, et ce faisant, invente un métier où les nouveaux médias numériques occupent la même place que l’artisanat.

 Tanguy you, c’est un peu le bon sens près de chez vous, et le bon son en prime. Pour aller plus loin, l’on dira que l’ancien joueur de reggae est un intermédiaire qui rêve d’un marché de la musique sans intermédiaire. Est-ce son passé chez Wagram, qui réactive chez lui un esprit un peu punk ? « J’avais été embauché là-bas pour travailler sur le retour aux affaires des Bérurier Noir. Un album était sorti, « Même pas mort », ainsi qu’une anthologie sous forme de coffret. » Une période au cours de laquelle l’ancien stagiaire des TransMusicales et des Vieilles charrues apprend ses classiques : majors, distributeurs, labels…

 

Nouveaux modèles économiques

Tanguy se fait ensuite la belle du côté des outils numériques et des nouveaux modèles économiques : il participe notamment à la création de Grand link, une base de données proposant des nouveautés musicales aux professionnels ; sur RKST.org, il est l’un des premiers à mettre en ligne des sessions de concerts ; il explore la nébuleuse des algorythmes proposant des playlists adaptées en fonction des goûts des cibles, et aborde la question des concerts à emporter…

Plus tard, à Nantes, il accompagne les premiers pas de Wiseband, une start up novatrice cherchant à supprimer les intermédiaires entre les fans et les groupes. « Les labels se gavent sur le dos des artistes », commente-t-il avant de reprendre : « Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire de passer par les maisons de disque pour exister. »

Intermédiaire ennemi des intermédiaires, Tanguy You théorise sa propre pratique depuis la fin 2013. « De l’environnement numérique à la création des supports, l’image est fondamentale. » Le développeur de groupes dessine donc des stratégies « humainement tenables ». Cobaye de choix, le groupe Fragments a notamment bénéficié de ses conseils, et la collaboration semble porter ses fruits. Pour revenir sur l’importance du couple musique-image, il cite les collaborations de Fragments avec Rennes Métropole (pour la ligne B du métro) et le festival Travelling ; rebondit sur la présence d’un titre de son protégé Alan Corbel au générique d’une série télévisée américaine. « Nous sommes ici dans l’économie directe, ce qui n’est pas négligeable. » Sensible aux sirènes de la modernité et aux nouveaux outils numériques, Tanguy You n’en n’oublie pas pour autant les bonnes vieilles recettes de grand-mère. « Il faut aider les groupes à mettre en place une démarche globale. Derrière cela, il y a l’idée de service à la carte. Geek et artisan à la fois, Tanguy you cultive le net à la bonne franquette, car il n’oubliera jamais l’origine du monde : ce bon vieil esprit rock’n’roll.

 

www.tanguyyou.com

Jean-Baptiste Gandon  

 

 

LA MAISON DES PRODUCTEURS SE RELANCE

Le public connait les festivals, moins ceux qui œuvrent en coulisses. Or Rennes compte pléthore de structures musicales qui produisent et diffusent concerts et spectacles à l’année, ici, en France, à l’étranger. Et dans des esthétiques variées : rock, chanson, musiques improvisées, traditionnelles, du monde, jeune public, ciné-concerts…

En 2010, à l’initiative de Franck Pichot (L’Armada Productions) et François Leblay (La Station Service), plusieurs structures se sont réunies au sein d’une nouvelle entité : la Maison des Producteurs (MDP). « Afin, dans un premier temps, d’échanger sur nos pratiques et nos problématiques, se rappelle François Leblay. On se connait tous, on se croise aux concerts mais, accaparé par nos artistes, on est un peu isolé dans notre coin. » D’autant que les équipes sont souvent modestes. Quel que soit leur domaine d’activité, ces producteurs-tourneurs ont les mêmes préoccupations : dénicher des talents, les accompagner, trouver des financements pour leurs créations, nouer des partenariats avec des salles et des festivals afin de garantir aux artistes les meilleures conditions de répétition et de diffusion.

Au printemps 2016, la MDP a décidé de passer à la vitesse supérieure en intégrant d’autres acteurs bretons. Une démarche régionale à l’adresse des tutelles également. « Les élus connaissent bien le spectacle vivant, moins les musiques actuelles, analyse François Leblay. Sur les conventionnements, les aides aux structures plutôt qu’aux projets, le soutien promotionnel…, nous souhaitons les sensibiliser de manière pédagogique. Nous ne sommes pas une centrale syndicale. » Mais un vivier économique et culturel représentant des milliers d’heures de travail annuel, certainement. (E.P.)